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Qu’est ce qu’un débat ? A la télévision ou sur internet, tout sujet mérite que l’on confronte ses idées. On passe chez Ikea, on colle deux chaises et une table, un présentateur brushing cravate arbitre passe-plat et deux polémistes à la mords-moi-le-nœud. Le réalisateur crie «  ça tourne ! », et c’est le marché de Pantin un dimanche matin.

En littérature, l’échange se veut épistolaire, on est dans le feutré. Aux  engueulades télévisuelles s’oppose l’art de l’écriture, le bon mot et l’argumentation. Bref, on fait dans le lettré, on est entre gentlemen.

Après l’essai avorté de Grasset et Flammarion d’une rencontre au sommet de l’absurde entre « le plus beau décolleté de Paris » Bernard-Henri Levy et « l’homme qui murmurait à l’oreilles des putes »  Michel Houellebecq, et où l’un ne comprenait pas l’autre et inversement, c’est au tour de l’éditeur Hugo & Cie de s’essayer à la confrontation entre messieurs de bon aloi, Eric Naulleau et Alain Soral. Le titre de l’œuvre : Dialogues désaccordés.

L’un est éditeur spécialiste es littérature des pays de l’Est et animateur sur Paris Première, le second sociologue-–intellectuel- polémiste et animateur sur internet. L’un se veut «  de gauche », l’autre «  d’extrême-droite ».  Et quand  l’éditeur Franck Spengler écrit en quatrième de couverture « Avec ses échanges virils mais corrects Naulleau et Soral redonnent un vrai sens au débat public »,  l’on est tenté de regarder dans le dictionnaire les définitions de « correct » et « débat d’idées ».

Le débat d’idées implique la confrontation de points de vue sur un même sujet. A ce petit jeu, Eric Naulleau a pour mission d’amorcer la discussion, d’y développer son point de vue, et d’attendre la réponse de Soral pour répliquer. Or, les réponses ne viennent jamais. Et quand elles viennent, qu’il s’agisse de Dieudonné, du mariage gay, du socialisme, de littérature ou encore de philosophie, les réactions d’Alain Soral sont toujours les mêmes : « Les juifs, les PD, les Francs-maçons ». Le dialogue n’est pas désaccordé, il est mort-né.

Eric Naulleau, face aux attaques incessantes, ne réagit pas. Quand, rarement, il tente un semblant d’analyse et qu’il essaie de comprendre « la bête immonde » que représente son interlocuteur, c’est pour mieux nous asséner d’une multitude de citations, comme s’il draguait une jeune slave un samedi soir au Baron.

Naulleau vs. Soral : Quand un sourd parle à un muet

Son adversaire, n’est pas en reste. Il n’écrit pas, il éructe. Pour le dialogue correct, on repassera. Le nombre d’attaques ad hominem est aussi important que le nombre de fois ou les juifs sont invoqués pour expliquer les malheurs de ce monde. Parce que Soral se prend pour L.F. Céline. Mais la simple accolade du terme antisémite à coté de son nom ne fait pas de lui un penseur ni un écrivain hors pair.

La faute des juifs, ça peut marcher aux Etats Unis, avec son lot de conspirationnistes crétins et analphabètes. En France, moins. Le lecteur voit « s’interroger » devant lui, l’américain moyen, et adepte de la théorie du complot. Soral n’est que le fruit d’un atlantisme qu’il abhorre. Un Redneck de la pensée.

L’ouvrage se veut polémique, voire « nauséabond » pour certains, il n’en est rien. Il est simplement mauvais, fourre tout, pétri d’amalgames. On apprend pêle-mêle que Naulleau n’a pas aimé le film sur Hannah Arendt, que son contradicteur se prend pour Rousseau et que selon lui « l’idéologie dominante c’est Auschwitz ».  Le débat ne décolle jamais, tué dans l’œuf par un Soral qui nie toute réalité. Eric Naulleau quant à lui se perd, n’arrive pas à reprendre le fil de la discussion,  il tente en vain de surnager dans le marasme intellectuel de son interlocuteur.

On s’ennuie, tant par le discours de Soral, lassant au bout de dix pages que par la nonchalance des réponses d’un Eric Naulleau, qui semble avoir  répondu à une commande d’éditeurs, devait-il avoir sa salle de bain à refaire. Espérons qu’il a choisi un beau carrelage.

Andrès Rib

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Andrés Rib

Ancien de la Sorbonne. Professeur de Lettres. Aime le Balto, et la Philo.

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