share on:

Embarqué malgré lui dans une primaire d’autant plus risquée qu’elle était ouverte à tous les électeurs, l’ancien chef de l’Etat a manqué son retour et devrait, cette fois, prendre définitivement sa retraite politique.

Emporté par la tornade Fillon, Nicolas Sarkozy, longtemps annoncé dans les sondages comme qualifié certain pour le second tour, s’était fixé un défi particulièrement difficile : incarner le renouveau, la meilleure alternative possible à François Hollande, celui-là même qui l’a battu en 2012.

Rattrapé par le virus politique, à l’image de ces grands sportifs couverts de gloire qui, après avoir annoncé leur retraite, renouent finalement avec la compétition, l’ancien chef de l’Etat voulait, tel Valéry Giscard d’Estaing avant lui, repartir de zéro ou presque et gravir tous les échelons, comme si la défaite relevait de l’accident de parcours. 

S’est-il cru indispensable et irremplaçable ? Moins solide que ce qu’on aurait pu croire, sa base électorale s’est quoi qu’il en soit progressivement effritée. Une partie de celle-ci lui a, en toute conscience, préféré son ancien Premier ministre, jadis traité de « collaborateur ». L’éternel Poulidor de la droite, néanmoins expérimenté et présidentiable lui aussi, a siphonné une partie des voix promises à Nicolas Sarkozy, par trop clivant – sans parler de la tourmente judiciaire dans laquelle il demeure empêtré – et aux recettes jugées trop éculées pour espérer remporter cette élection. L’image plus soignée, plus consensuelle, bref plus présentable du Sarthois, par ailleurs très convaincant pendant les débats de l’avis unanime des observateurs, ainsi qu’une forte mobilisation à laquelle Nicolas Sarkozy ne croyait pas ont fait le reste.

Un animal politique usé

Parce que sa stratégie, sa quête du « buzz » et ses diatribes répétées ont donné le sentiment qu’il est somme toute resté le même. Dans sa virulence, dans sa véhémence, dans ses excès et dans ses approximations. Comment, dès lors, prétendre incarner le changement ? 

Surtout, le prédécesseur de François Hollande a certainement eu le tort de ne jamais déroger à la ligne buissonnienne qui l’avait porté au pouvoir en 2007. Fervent défenseur de la droite dure envers et contre tout, alors même que son quinquennat a déçu les frontistes qui s’étaient rabattus sur sa candidature il y a 9 ans, obnubilé par la question identitaire et chantre d’une France résolument gauloise, il n’aura jamais véritablement amendé son discours, conforté qu’il était par la menace terroriste et par victoire de Donald Trump, laquelle aurait, selon la bonne vieille théorie de « l’effet domino », fait souffler un vent de populisme en France et en particulier sur la primaire.

Las ! Les plus belles années de cet animal politique redoutable étaient bel et bien derrière lui et Nicolas Sarkozy, il l’a compris sans doute pour de bon hier soir, ne fait plus rêver. Parce que sa stratégie, sa quête du « buzz » et ses diatribes répétées ont donné le sentiment qu’il est somme toute resté le même. Dans sa virulence, dans sa véhémence, dans ses excès et dans ses approximations. Comment, dès lors, prétendre incarner le changement ? 

A des années-lumières de l’ancien chef du gouvernement, largement distancé aussi par Alain Juppé, l’ancien maire de Neuilly, par-delà quelques jolies prises de guerre dans le premier cercle filloniste (Eric Ciotti, Laurent Wauquiez, Pierre Lellouche), sort par la petite porte au vu de son score et de ce qu’il a été capable d’entreprendre dans sa longue carrière, mais a tout de même soigné sa sortie.

Dans une déclaration dont il faut souligner la dignité, il s’est gardé d’exprimer sa déception et ses états d’âme, et a apporté un soutien sans ambiguïté à un François Fillon qui a de facto encore plus de chances de l’emporter face au maire de Bordeaux. Celui qui s’est si souvent vu reprocher de labourer les terres de l’extrême-droite a également enjoint aux Français, dont il pense avoir mesuré l’exaspération, de ne pas succomber à la tentation Marine. 

Sa parole se fera désormais plus rare et les affaires pourraient le rattraper. Lui aussi comptable de son bilan, François Fillon vole de son côté vers l’investiture. Il lui reste à ménager les classes populaires, quelque peu délaissées durant la campagne par l’ensemble des candidats, que Marine Le Pen voudra cajoler et qu’il aurait de ce fait grand tort d’oublier s’il veut espérer accéder à l’Elysée.

 

Guillaume Duhamel

Guillaume Duhamel

Journaliste financier originellement spécialisé dans le sport et l'écologie. Féru de politique, de géopolitique, de balle jaune et de ballon rond. Info plutôt qu'intox et intérêt marqué pour l'investigation, bien qu'elle soit en voie de disparition.

Laisser un message