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Scandale dans la iTunes-sphère, Apple vous imposait de télécharger l’album de U2 (gratuitement, quelle honte). Certains le voient comme une intrusion dans leur vie privée, d’autres adorent U2, et d’autres enfin, se gaussent de voir une polémique naître d’un marketing intégral alors que nous sommes bombardés de messages publicitaires et d’intrusions dans nos vies privées, sans que nous voulions l’admettre. Qu’en est-il réellement ? 

N’en déplaisent aux anti-Apple,  il ne s’agit pas de se lancer dans une diatribe contre une marque qui a déjà démontré ses capacités de vous vendre tout et n’importe quoi pour une somme relativement élevée, et votre serviteur en est victime.
Bien au-delà du projet, Apple vend un style de vie, une image et une autre manière d’aborder l’informatique et la technologie. C’est une position marketing que l’on peut bien évidemment critiquer, mais personne n’est obligé d’acheter leurs produits, rappelons le. On pouvait lire des phrases fleuries sur les forums dédiés, « peu importe les fonctionnalités des autres marques, leurs portables et produits sont moches ». Le prix reste élevé, mais c’est bien pour d’autres raisons que les raisons techniques et financières que les consommateurs achètent des produits Apple : facilité d’usage, design, packaging.
Et quand U2 décide de distribuer gratuitement (pour les utilisateurs) son nouvel album SongsOf Innocence sur la plateforme de téléchargement d’Apple iTunes, c’est tout un pan de la clientèle d’Apple qui crie au scandale et à l’absence de respect de la vie privée.

APPLE et U2, grands méchants loups commodes

Force est de constater qu’ Apple a décidé de faire un coup marketing totalement assumé et présenté tel quel, dans le sens où chacun sait pertinemment à quoi s’attendre. Ce qui, rappelons-le, est loin d’être la majorité des cas en ce qui concerne la publicité.

Le premier contre-argument à la polémique serait de dire en tout premier point qu’Apple est une cible commode. Cible à chaque instant de critiques développées plus haut : niveau des prix, packaging parfois « bling-bling ». Mais surtout, on sent une frustration alimentée par les concurrents même de la marque, dans la mesure où Apple reste la première capitalisation boursière du monde (près de 600 milliards d’euros de capital boursier). La cible est donc très commode. Qu’en aurait-il été si ce fut Samsung, Microsoft ou une autre marque concurrente qui aurait proposé ce partenariat ? Sans doute la polémique n’aurait pas eu cette ampleur, voire n’aurait pas existé du tout.

Souvenons nous alors de 99 Francs et des enseignements de Frédéric Beigbeder : tout ou presque est publicité. L’individu ne peut désormais vivre sans que la publicité et la communication n’envahissent sa vie. Et à moins d’être un marginal reclus au sommet de l’Himalaya, vous ne pouvez échapper au faisceau d’informations qui traverse votre vieLe marketing est la science de l’influence, capable de gérer sa communication pour non seulement répondre aux attentes des consommateurs mais également influencer le marché de sorte que les agents économiques (c’est-à-dire vous) iront acheter le produit de la marque plutôt qu’un autre.

La prime de risque à l’innovation

La publicité aujourd’hui est omniprésente : Internet, télévision, radio, affichage classique, tracts et prospectus. Elle utilise en fait tous les médias imaginables pour vous inciter à consommer. A titre d’exemple, même le billet de banque est un média : les individus l’utilisent couramment, sans se rendre compte qu’il s’agit d’un médiateur de symboles forts : aux Etats-Unis, les portraits des présidents historiquement marquant pour le pays sont sur les billets de banque. En Zone Euro, le symbole est le drapeau de l’Union Européenne. Ironique d’ailleurs de constater que la Banque Centrale a entamé une campagne télévisuelle et sur Internet pour notifier aux citoyens de l’Union Européenne la sortie du nouveau billet de dix euros. Comme quoi, les Banques Centrales peuvent parfois adopter des comportements de firmes comme les autres.

Et justement quand une entreprise innove, on appelle cela un trublion… En mémoire de Free, qui lançant son offre mobile, mit en exergue aux yeux de tous les utilisateurs de téléphonie mobile les rentes d’oligopoles et les ententes sur les prix pratiquées par SFR, Orange, Bouygues. Avant son apparition, l’offre entre les différents opérateurs (ainsi que les tarifs) étaient relativement identiques. Au lieu de se livrer une concurrence féroce, les opérateurs mobiles avaient préféré s’entendre sur un consensus tarifaire. Comment attirer le consommateur dans ce cas ? En pratiquant l’art très persuasif de la communication-marketing décrit plus haut.

Conscients des enjeux économiques et de leurs intérêts, ces opérateurs ont permis l’intrusion de la publicité dans des services téléphoniques et télévisuels aussi divers et variés : à partir du moment où eux-mêmes la pratiquent abondement, rien ne les empêche de signer des contrats marketing avec d’autres entreprises pour diffuser les messages de la consommation.

Un consommateur submergé ?

Vu la profusion de messages qui nous sont envoyés, il est légitime de se demander si le consommateur est un agent totalement passif et conscient du monde dans lequel il vit ou s’il est anesthésié, à l’image d’un nouvel opium du peuple. Tout est une question de dosage. Prendre une carte fidélité dans un magasin de grande distribution ou de vente de prêt-à-porter vous donne l’immense satisfaction de recevoir par SMS la dernière information concernant les soldes et réductions de la dite-enseigne. On pouvait encore nourrir l’espoir de la liberté de consommation, mais il faut bien constater la pression médiatique et publicitaire parfois donne l’impression d’être pris en tenaille et d’avoir le couteau sous la gorge.

Entendre et lire les propos scandalisés de certains à propos d’une offre d’album musical (gratuit qui plus est, Apple commet un crime de lèse-majesté) est nécessairement sujet à réflexion, dans la mesure où on pointe la partie émergée de l’iceberg, désigner un tant soit peu l’arbre qui cache la forêt; le ridicule de l’internaute ne cesse de surprendre.

Apple a la réputation d’être une mauvaise entreprise, vilaine leader des marchés malgré ses retards technologiques et sa tendance à vouloir vendre un style de vie : elle commet donc l’irréparable, être première en étant moins innovante que les autres.

Henry Wotton

Rédaction

Rédaction

Rédacteur depuis Mars 2014

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