Vendredi 10 novembre 2017 : suite à l’appel du maire (LR) de Clichy, plusieurs élus d’Ile-de-France ont manifesté contre les prières de rue organisées chaque vendredi depuis huit mois. Une situation ubuesque qui démontre tant les insuffisances de la loi de 1905 que les errances du pouvoir politique.
Remi Muzeau (LR) a certes décidé de transformer une salle de prière en médiathèque, mais il a aussi permis l’ouverture d’un lieu de culte de 2000 m² , rue des Trois-Pavillons. Pour les responsables des différentes associations, cela traduirait une volonté d’éloigner les musulmans du centre-ville, vision contestée par Noureddine Bahri, responsable de la nouvelle salle de prière des Trois-Pavillons : « Nous sommes à dix minutes à pieds du centre-ville, nous organisons deux prières le vendredi, c’est juste incompréhensible ». Présente à la manifestation, Valérie Pécresse, présidente (LR) de la région Ile-de-France, enfonce le clou : « La rue est un espace public, l’État doit agir ».
« Le multiculturalisme est un échec. Chaque provocation en appelle une nouvelle en retour ».
La photographie représentant les fidèles musulmans priant dans la rue, séparés des manifestants qui entonnent l’hymne national par un cordon policier, est forte. Elle résume l’état d’incompréhension entre plusieurs cultures qui cohabitent sur le sol français. Le multiculturalisme est un échec. Chaque provocation en appelle une nouvelle en retour. Il n’est pourtant pas question de critiquer une partie des musulmans, à Clichy comme ailleurs, et leur indéniable propension à afficher publiquement leur mépris des règles en vigueur. Ce sujet est largement débattu par d’autres médias toujours plus prompts à créer du sensationnalisme autour des tensions religieuses que de proposer des pistes de réflexion.
Laïcité : où est la gauche ?
La majeure partie du cortège d’élus qui a défilé contre les prières de rue le faisait sous la bannière Les Républicains. Plus d’un siècle après la loi de 1905, la gauche semble donc avoir abandonné le combat pour la laïcité parce que celle-ci conduirait les pouvoirs publics à se montrer trop répressifs à l’égard des musulmans qui constituent une part non-négligeable de son électorat (93 % auraient voté en faveur du candidat socialiste en 2012).
« La loi de 1905, vitupérée en son temps par la droite catholique, devient pourtant un moyen détourné de manifester contre le prosélytisme islamique ».
Pour la droite « opportuniste », la laïcité devient une arme bien commode pour satisfaire un électorat certes moribond mais toujours sensible à la lutte contre l’immigration et le développement de l’islam en France. La loi de 1905, vitupérée en son temps par la droite catholique, devient pourtant un moyen détourné de manifester contre le prosélytisme islamique.
La France se trouve dans une impasse. La laïcité, qui sépare le temporel du spirituel, est un bon équilibre. En revanche, le laïcisme qui met tous les cultes sur le même pied d’égalité est une hypocrisie. La religion, qui devait se cantonner à la sphère privée, occupe finalement l’espace public et fait éclater au grand jour la guerre culturelle qui se livre en France. La décision du Conseil d’État concernant la croix de Jean-Paul II à Ploërmel en était l’illustration : la République, intransigeante face aux symboles chrétiens, serait pusillanime envers les manifestations publiques des musulmans. Nouvelle impasse.
La loi de 1905 prise à défaut
Le même Conseil d’Etat a d’ailleurs rendu une nouvelle décision concernant la crèche de Noël que Robert Ménard souhaite installer dans sa mairie de Béziers. « Nous ferons cette crèche cette année ! » a une nouvelle fois affirmé l’édile biterrois. Le piège identitaire se renferme lentement. La laïcité de 1905 qui « ne reconnaît ni ne subventionne aucun culte » est allégrement piétinée au gré des provocations de tous bords.
« La loi de 1905 n’est plus ».
Ne reconnaître aucun culte tout en refusant le prosélytisme sur la voie publique relève de la tartufferie. L’héritage chrétien de la France est bien trop important pour être relégué au rang de culte comme les autres. Seulement, la préservation des traditions se heurte immanquablement à l’esprit de la loi : si les prières de rue sont interdites, des voix ne manqueront pas de s’élever contre les processions mariales à Lourdes ou celles de l’Assomption à Marseille. Et tout le monde sera perdant.
La loi de 1905 n’est plus. Quand à l’aube du XXe siècle, elle avait contraint les religieux issus des sphères politiques et sociales à ne plus se prononcer au nom de leurs croyances et à pratiquer leur culte dans la plus grande discrétion, elle devient aujourd’hui l’arme ultime qui permet aux religions nouvellement installées de faire valoir leur parole. Elle ne peut balayer, au nom de son histoire, les fondements chrétiens de la France comme elle ne peut refuser aux autres fidèles l’expression de leur différence au nom de l’égalité.
La loi de séparation des églises et de l’Etat nous conduit par conséquent dans une impasse tant elle prend l’eau de tous les côtés et incite les extrêmes à la surenchère. Pire, elle pourrait être à l’origine d’une nouvelle guerre de religion dont on tait encore le nom.