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Le réveil de mon téléphone portable sonna à 5 heures du matin. Je l’ai attrapé et posé sous l’oreiller.

A 5 heures 27, le guide naturaliste me réveilla avec le bruit que produisit l’ouverture de la porte. Comme un pompier appelé par la sirène, j’avais préparé mes vêtements. Le pantalon posé sur les chaussures, de manière à tout enfiler d’un coup. Trois minutes plus tard nous sortions de la maison.

Le soleil pointait son orangé dans la nuit bleue. Je l’espérais sauvage. Le guide marchait à un deux mètres devant moi. J’observais tout, de la position de son appareil photo sur son épaule droite à la qualité de ses souliers – les avait-il choisis par hasard ou avec la volonté d’être le plus silencieux possible ? Mystère et pelote de réjection. La paire de baskets de sport que j’avais aux pieds me paraissait faire un bruit ahurissant pour tous les animaux du secteur.

Nous marchâmes ainsi durant quinze minutes. Avant chaque bosquet, je sentais que nous ralentissions, que nous devenions de plus en plus discrets, de plus en plus silencieux. L’espoir permanent de débusquer un quelconque animal dans son milieu naturel. En paix avec ce milieu. Et à chaque bosquet, rien.

Le lieu d’observation se situait au début d’un chemin traversant une grande plaine. La voie tracée par les roues des machines agricoles tranchait en deux la plaine et la divisait en deux cultures. A gauche, le blé récolté formait une zone plane dont le point de fuite disparaissait en une pente ; à droite, les tournesols attendaient le soleil pour s’éveiller. Au fond, partout, il y avait la forêt qui laissait échapper la stridence du cri des buses et le hululement de chouettes.

Les jumelles nous permettaient de voir le chemin sur toute sa longueur, sans déranger nos éventuels hôtes. Tous mes sens s’éveillèrent afin de ne rien rater. J’étais venu pour voir et je me rendais compte que la nature n’allait en faire qu’à sa tête. J’espérais rentrer avec le sourire d’avoir vu.

Durant près d’une heure trente nous observâmes le chemin et les alentours. Le passage d’un lièvre provoqua en nous avec un court plaisir, vite remplacé par la trépidation de voir un renard passer du champ de blé vers les tournesols. Vulpes. Le sieur Goupil parfois très difficile à observer selon les régions, nous passait sous les jumelles. Mon guide me dit qu’il y avait de fortes chances pour que l’animal repassât. Nous attendîmes et ce fut un chevreuil que nous vîmes arriver. La chevrette à la tête nue ignorait joyeusement notre présence. L’absence de bois sur la tête, comme toutes ses congénères et contrairement aux mâles, lui donnait un aspect presque canin.   Elle progressa sans nous apercevoir durant près de dix minutes ; le vent nous était favorable, et elle nous fit un pied de nez en disparaissant. Quelques instants plus tard elle réapparut et dans le même instant le renard vint décorer le fond de notre champ de vision. Il passa tranquillement, lentement, un mulot entre les crocs, ignoré par la chevrette. Le mulot fit sans doute l’objet du repas de renardeaux. Sieur Goupil mange toujours sur place. Jamais à emporter.

En quelques minutes les mammifères disparurent de sous nos yeux pour nous laisser rentrer dans la lumière du soleil qui caressait enfin les herbes tendres. Au même instant il m’a paru comprendre à la fois le goût des chasseurs ainsi que l’émotion de leurs opposants. L’être humain qui veut retrouver un animal sauvage doit impérativement connaître la nature qui l’entoure sur le bout des doigts et il doit profondément l’aimer. Tout animal tué doit être « honoré » par les chasseurs. La façon la plus respectueuse d’honorer l’animal, c’est de le laisser retourner dans les tournesols.


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Christophe Berurier

Christophe Berurier est professeur. Il aime les mots et le vélo.

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