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Il est des exploits sportifs qui laissent bouche bée. Qui rendent les superlatifs insuffisants. Qui forcent l’admiration et le respect sincères, quoi qu’on puisse penser du champion. A plus de 35 ans, Roger Federer, qui avait tiré un trait sur sa saison 2016 après une défaite en cinq manches contre Milos Raonic en demi-finale de Wimbledon, débute la nouvelle année en trombe. Qualifié pour sa vingt-huitième finale de Grand Chelem, un record, il retrouve une seconde jeunesse et démontre que sa motivation est intacte.

Il n’avait plus joué en match officiel depuis plus de cinq mois. Touché au genou, le Bâlois n’avait d’autre choix que de se reposer et de mettre un terme prématuré à une saison sans titre, une première depuis.. l’an 2000, le 25 juillet dernier. Attendu au tournant, retombé à la dix-septième place du classement ATP, il a démontré avec panache qu’il a retrouvé la caisse et l’appétit, se sortant d’un tableau compliqué, alors même qu’il n’a plus rien à prouver depuis 2009 et son succès à Roland-Garros. Seulement voilà : Roger n’a pas son pareil pour affoler les compteurs, et il n’aime rien tant que battre des records et repousser les limites de son sport.

Bouté hors du top 10 en raison de cet arrêt forcé, du jamais vu depuis près de 15 ans, « Fed » abordait le premier tournoi du Grand Chelem de l’année sans repères. Andy Murray avait outrageusement dominé la seconde partie de la saison écoulée, tandis que Djokovic, relégué au deuxième rang mondial, paraissait émoussé, fatigué et sans doute un peu démotivé après avoir enfin gagné les Internationaux de France.

Roger Federer débutait l’Open d’Australie sans repères donc, mais frais, bien décidé à se faire plaisir et de toute évidence sûr de sa force. Très affûté, il n’avait pourtant pas rassuré les observateurs après deux premiers matchs empreints d’une certaine nervosité contre les qualifiés Jürgen Melzer, un vétéran autrichien qui a disputé les demi-finales de Roland-Garros en 2010, et l’Américain Noah Rubin.

D’aucuns le voyaient trop juste pour écarter Tomas Berdych, pensionnaire du top 10 de longue date, même si le Tchèque a quelque peu stagné ces derniers mois. Ce troisième tour a néanmoins été une formalité pour le septuple vainqueur de Wimbledon, dominateur dans tous les compartiments du jeu, et qui a littéralement exécuté son adversaire à l’issue d’un récital digne de ses plus belles années. Vainqueur en 3 sets secs (6/2, 6/4, 6/4), « Rodger » a en la circonstance montré qu’il était dans le rythme, forçant volontiers la décision au filet, et tenant parfaitement la cadence du fond du court.

Service efficace et coup droit toujours impeccable, volées mordantes, mais aussi un revers à l’efficacité retrouvée, bien plus qu’un coup d’attente. C’était largement suffisant pour éliminer Berdych, mais de là à passer l’obstacle Kei Nishikori, cinquième joueur mondial et formidable contreur, il y avait un grand pas que tout le monde ne franchissait pas, loin de là. « Fed » s’en est toutefois sorti, après un début de partie catastrophique, disposant en 5 sets du meilleur joueur asiatique de l’histoire (6/7, 6/4, 6/1, 4/6, 6/3). Au physique, au mental, au panache surtout.

Immortel(s)

Les retrouvailles tant espérées avec Rafael Nadal, son meilleur ennemi, auront bel et bien lieu. Un « Rafa » retrouvé lui aussi, après une saison marquée par des problèmes physiques à répétition et une accumulation de désillusions en Grand Chelem.

Ce fut ensuite le tour de l’étonnant allemand Mischa Zverev, ex-espoir à la carrière sérieusement perturbée par les blessures, gaucher et surtout serveur-volleyeur, une espèce quasi-disparue d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Tombeur d’Andy Murray à la stupéfaction générale, le grand frère d’Alexander a, tel Berdych avant lui, été largement battu par bien plus fort que lui, sans jamais pouvoir menacer son aîné, malgré une belle résistance au deuxième set (6/1, 7/5, 6/2).

Parce qu’il était écrit que cette édition 2017 de l’Open d’Australie est celle des vétérans, avec en bas de tableau le retour au premier plan d’un Rafael Nadal lui aussi titanesque et, dans le simple dames, les folles épopées de Venus Williams et de Mirjana Lucic-Baroni, Stanislas Wawrinka, l’autre Suisse, vainqueur du tournoi en 2014 et sacré lors du dernier US Open (en sus d’une victoire à Roland-Garros en 2015 restée dans toutes les mémoires), a plié à son tour.

La partie aura été haletante, entre deux (com)patriotes qui ont fait triompher la Suisse en Coupe Davis en 2014 et qui, côte à côte, ont gagné la médaille d’or aux Jeux Olympiques de Pékin 6 ans plus tôt. Deux services de plomb, deux fulgurants revers à une main, deux talents purs. Le surprenant Vaudois contre l’éternel Bâlois. Le nouveau roi des derniers tours, trentenaire décomplexé sur le tard après des années tapi dans l’ombre, face à l’immortel prodige, qui n’a jamais perdu face à son compatriote sur surface rapide.

Revenu d’un déficit de deux sets, « Stan the man » aurait pu rafler la mise. Après un gros trou d’air et pléthore de points donnés, « Fed » avait en effet perdu le fil de son tennis et on le croyait déjà éliminé, mais il faut toujours s’y prendre à plusieurs fois pour mettre les monstres sacrés sous l’éteignoir. Le plus grand joueur de l’ère Open s’est accroché, il a laissé passer l’orage et la mitraillette adverse a fini par s’enrayer face à la pression, face aux doutes et face aux coups de boutoir d’un mort de faim.

Au bout d’un match décousu, mais passionnant d’un peu plus de 3 heures (7/5, 6/3, 1/6, 4/6, 6/3), le voilà à une seule marche d’un dix-huitième tournoi du Grand Chelem et qualifié pour sa sixième finale à Melbourne, la première depuis 2010. Une éternité…

Les retrouvailles tant espérées avec Rafael Nadal, son meilleur ennemi, auront bel et bien lieu. Un « Rafa » retrouvé lui aussi, après une saison marquée par des problèmes physiques à répétition et une accumulation de désillusions en Grand Chelem.

Un « Rafa » d’abord costaud contre Alexander Zverev (qui a mené deux manches à une au troisième tour), Gaël Monfils, trop inconstant pour espérer s’imposer, puis l’immense serveur canadien Milos Raonic, avant de se montrer héroïque pour s’extraire des griffes du talentueux Bulgare Grigor Dimitrov. Souvent présenté comme le successeur du Suisse, ce dernier n’avait pas encore perdu depuis le début de l’année, mais il a fini par plier au terme d’une demi-finale titanesque et jalonnée de coups gagnants de près de 5 heures (6/3, 5/7, 7/6, 6/7, 6/4).

« Rafa » est désormais favori pour le titre étant donné son ratio très positif face à Roger Federer (23/11), lequel ne l’a en outre jamais battu dans ce tournoi en 3 confrontations, mais cette finale « revival » de monstres sacrés, d’un autre temps et intemporelle à la fois, aura en tous les cas fière allure. Comme à chaque fois. Et même un peu plus au regard de la situation sportive des 2 rivaux l’an passé et de la trace indélébile qu’ils ont d’ores et déjà laissée dans leur sport.

Guillaume Duhamel

Guillaume Duhamel

Journaliste financier originellement spécialisé dans le sport et l'écologie. Féru de politique, de géopolitique, de balle jaune et de ballon rond. Info plutôt qu'intox et intérêt marqué pour l'investigation, bien qu'elle soit en voie de disparition.

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