Neuvième joueur mondial, Stanislas Wawrinka, malgré les sifflets du Central, a mis tout le monde d’accord, son adversaire Novak Djokovic en tête, ce dimanche en finale de Roland-Garros. Deuxième titre du Grand Chelem pour le Suisse taciturne, qui à 30 ans paraît au sommet de son art. Leader incontestable au classement ATP, le Serbe continue quant à lui de courir après l’histoire…
Et ce fut Stanislas Wawrinka, sans l’ombre d’un doute. Ce fut « Stan the Man », bourreau des Français en Coupe Davis en décembre dernier, et vainqueur de l’Open d’Australie en 2014, malgré la soif de gagner de Novak Djokovic. Un « Nole » en larmes, après son troisième échec en autant de finales Porte d’Auteuil. A cette triste série s’ajoutent quatre revers dans le dernier carré, ce qui donne à penser que, décidément, le Serbe, numéro un mondial (quasiment) intouchable depuis huit mois et tombeur du nonuple vainqueur de Roland-Garros Rafael Nadal, en trois sets secs, est maudit sur la terre battue parisienne.
Stan is the Man
Très convaincant face à son illustre compatriote Roger Federer en quarts de finale, puis plus réaliste que Jo-Wilfried Tsonga deux jours plus tard, le numéro deux suisse a disposé du quintuple lauréat de l’Open d’Australie malgré la perte du premier set. Celle-ci n’a pas altéré son moral, au contraire. Convaincu de sa tactique, Stan Wawrinka, qui avait d’abord fait le « buzz », optant pour un short d’un goût douteux, n’y a jamais dérogé et n’a, les trois sets suivants, tous remportés, eu de cesse de « pilonner » son adversaire.
Une longueur de balle exceptionnelle et une incroyable efficacité en coup droit (cinq fois plus de coups gagnants que Novak Djokovic dans ce domaine !) ont fait quelque peu oublier son revers, point très fort d’un jeu tout en cadence qui, sans pour autant reléguer le Serbe au rang de joueur de second rang, a usé ce dernier jusqu’à la corde.
A l’arrivée, « Stan the Man », auteur selon ses propres dires du « match de sa vie », s’est donc offert un deuxième titre du Grand Chelem, comme Andy Murray. Un joli palmarès au regard de l’extrême âpreté de la concurrence, avec Roger Federer, Rafael Nadal et Novak Djokovic, trente-trois titres majeurs à eux trois, et le susnommé Murray, dont les progrès sur ocre doivent aussi être soulignés. Deux titres du Grand Chelem en deux finales, remportées à chaque fois face au numéro un mondial en exercice, ce qui en dit long sur les ressources mentales du Vaudois.
Stanislas Wawrinka a tiré au maximum partie de la chaleur, qui rend l’ocre plus rapide… et, lorsqu’il est au maximum de ses possibilités voire au-delà, comme ce fut le cas dimanche, ses coups encore plus violents.
Cette édition 2015 a consacré un nouveau vainqueur, ce qui est devenu rarissime avec l’hégémonie nadalienne, entamée il y a dix ans. Un vainqueur moins inattendu que Gustavo Kuerten en 1997 ou que Gastón Gaudio sept ans plus tard, mais un très beau champion, quoique fort contenu dans sa joie, dont la capacité de mobilisation dans les grands rendez-vous force le respect.
Djokovic, encore raté
De son côté, Novak Djokovic vient de manquer un Grand Chelem en carrière pour la troisième fois. Déjà battu en finale des Internationaux de France en 2012 alors qu’il restait sur trois majeurs de suite (Wimbledon, US Open, Open d’Australie), il avait aussi trébuché sur la dernière marche l’an passé. Dans les deux cas, Rafael Nadal l’avait surclassé en quatre manches. Le « taureau de Manacor » a cette fois été nettement dominé par le Serbe, dès les quarts de finale, avant que ce dernier n’écarte, cette fois en cinq actes, et non sans avoir mené deux manches à zéro, un Andy Murray qui restait sur deux titres à Munich et surtout Madrid (il avait déclaré forfait en huitièmes de finale à Rome).
Nadal-Murray: un enchaînement violent et une « dépense nerveuse » que Djokovic a peut-être payée ce dimanche, sans rien enlever au mérite de Stanislas Wawrinka, qui pour cet épilogue a navigué dans des zones proches de celles du grand « Rafa » des éditions 2008 et 2012. Il reste que le Suisse a bénéficié d’un tableau plus accessible que le numéro un mondial, dont la défaite rappelle, sous certains aspects, celle que lui avait infligée Roger Federer il y a quatre ans en demi-finales, au terme d’une rencontre épique : même dynamique très favorable, même position de favori, même « surrégime permanent » d’un adversaire qui n’est jamais redescendu des sommets.
Au bout du compte, c’est le même sentiment de malédiction que celle qu’a connu Björn Borg à New York qui domine. Comme le Suédois de l’autre côté de l’Atlantique, « Nole » a en effet tout pour soulever la Coupe des Mousquetaires. A quatre reprises, l’homme au bandeau a pourtant été battu en finale. Espérons pour le Serbe, très digne dans la défaite, qu’il ne rejoindra pas Boris Becker, Jimmy Connors, Stefan Edberg, John McEnroe et Pete Sampras dans l’histoire des illustres perdants de Roland-Garros.
Il va sans dire que le temps ne joue pas en sa faveur.