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Dernier survivant de la « version bêta » de l’administration Trump, Rex Tillerson vient d’être limogé. Une décision pas franchement surprenante, mais que d’aucuns jugent révélatrices du tempérament inflexible du chef et du chaos qui règnerait à la Maison Blanche. 

Les divergences étaient nombreuses entre Donald Trump et l’ancien patron d’ExxonMobil, dont la longévité au poste de chef de la diplomatie américaine est stricto sensu remarquable au regard du traitement réservé à d’autres collaborateurs autrement plus vite congédiés. 

Rex Tillerson aura tenu un peu plus d’un an et avalé bien des couleuvres. Il n’entendait rien ou presque à la vision ou plutôt aux innombrables changements de braquets de son imprévisible supérieur hiérarchique et c’est, avec le recul, un petit miracle qu’il n’ait pas été renvoyé plus tôt à ses chères études. 

La colombe a été évincée et c’est un authentique faucon en la personne de Mike Pompeo qui a été choisi pour lui succéder. La colombe était opposée au transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem, elle souhaitait que les Etats-Unis se conforment à l’accord de Paris sur le réchauffement climatique, assimilé par Donald Trump à une gigantesque manipulation de la Chine, et plaidait pour un maintien du désormais célèbre accord avec l’Iran sur le nucléaire difficilement négocié par la précédente administration. Elle était aussi circonspecte concernant la Russie, suggérant que Moscou était responsable de l’empoisonnement récent d’agents secrets sur le territoire britannique, une thèse au minimum crédible. 

A l’arrivée, Rex Tillerson, néophyte en politique lui aussi, n’a rien obtenu, pas même un petit fléchissement. Il ne sera jamais parvenu à circonvenir Donald Trump, resté sourd, par jeu ou par intime conviction, aux préconisations de ce réaliste. L’impulsivité l’a emporté sur la pondération et le patron milliardaire, désormais disposé à rencontrer Kim Jong-un et peut-être aux portes d’un succès diplomatique de tout premier plan, a apporté une nouvelle preuve de sa capacité à trancher dans le vif. Et tant pis si certains commentateurs plus ou moins fatigués, trumpophobes primaires, pourfendeurs d’un amateurisme réel ou supposé ou échotiers relativement bien renseignés, assimilent cette énième éviction à un clou supplémentaire dans le cercueil de la politique conventionnelle.

L’avènement d’un radical

Donald Trump, l’homme qui prend des décisions radicales sur Twitter et n’aime rien tant que désarçonner et donner de grands coups de pied dans les fourmilières, a donc choisi Mike Pompeo, avec lequel il partage a minima un goût prononcé pour le politiquement incorrect, pour reprendre le flambeau. Actuellement directeur de la CIA, cet homme de 53 ans jadis défenseur du recours à la torture sera en charge de dossiers d’une rare complexité, notamment celui de la Corée du Nord. 

Il lui reviendra ainsi d’épauler Donald Trump dans les négociations avec « Rocket Man », un autre matamore qui paraît néanmoins avoir tempéré ses ardeurs ces dernières semaines, sans que l’on connaisse encore les raisons véritables de ce brutal changement de cap. 

Tenant d’une stratégie de pression maximale sur Pyongyang, Mike Pompeo aura également à gérer la nébuleuse question iranienne, étant entendu qu’avec lui un détricotage de l’accord nucléaire redevient plus que jamais d’actualité. Tout comme son chef, le nouveau secrétaire d’Etat le juge en effet « désastreux », ce qui ne manquera pas de ravir Israël et la prétendue vertueuse Arabie Saoudite.

Les environnementalistes n’ont au surplus aucune illusion à se faire concernant l’accord de Paris quand on sait que le futur ex-directeur de la CIA avait reproché en son temps à Barack Obama, qui l’a signé, d’avoir « capitulé face aux extrémistes ».

Sur le papier, Donald Trump et Mike Pompeo sont donc faits pour s’entendre et former un duo de choc. Reste à savoir si le second saura davantage s’accommoder que son prédécesseur de la légendaire impétuosité du premier, qui n’est plus à un contrepied près…

Guillaume Duhamel

Guillaume Duhamel

Journaliste financier originellement spécialisé dans le sport et l'écologie. Féru de politique, de géopolitique, de balle jaune et de ballon rond. Info plutôt qu'intox et intérêt marqué pour l'investigation, bien qu'elle soit en voie de disparition.

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