Partagez sur "Veganisme, antiracisme : les militants rendent leur juste cause insupportable"
Dans les médias et sur les réseaux sociaux, les polémiques enflent et deux combats semblent polariser l’attention : le véganisme et l’antiracisme. Aussi dissemblables soit-elles, les deux causes sont soutenues par des militants de plus en plus radicaux qui nuisent considérablement à la (juste) cause initiale.
L’opposition frontale est une constante des plateaux télévisés, qui s’aggrave avec la pression des réseaux sociaux. Lorsque deux camps sont structurés pour provoquer la polémique, la nuance n’a plus sa place. La discussion argumentée non plus. L’invective est de mise. Il convient ainsi de mettre en scène la confrontation entre deux personnalités opposées – voire dissemblables – pour assister à un clash. Le boucher face au végan qui exhibe un animal mort. Le chasseur face à l’écologiste. Le conservateur face au militant antiraciste. Et l’émotivité fait place au raisonnement discursif.
« Des « ateliers non-mixtes » aux vitrines brisées des bouchers, des paroles insultantes qui virent au lynchage sur Twitter aux manifestations qui flirtent avec l’illégalité, la situation paraît incontrôlable pour nos apprentis sorciers de l’agit-prop. »
Deux mouvements retiennent notre attention. Le véganisme – et l’antispécisme – n’ont pas grand-chose à voir avec l’antiracisme sur le fond, mais la forme est comparable. Radicalisation, happening, slogans et initiatives chocs pour exister médiatiquement : tout leur semble bon pour mettre leurs idées sur le devant de la scène. Des « ateliers non-mixtes » aux vitrines brisées des bouchers, des paroles insultantes qui tournent au lynchage sur Twitter aux manifestations qui flirtent avec l’illégalité, la situation paraît incontrôlable pour nos apprentis sorciers de l’agit-prop.
C’était mieux avant ?
Comme l’a expliqué Paul Yonnet dès 1993 dans son indispensable Voyage au centre du malaise français, l’antiracisme français est politisé et politique. Par-delà la justesse de la cause, Yonnet montre que la création puis la promotion de SOS racisme a été une occasion pour la gauche de se créer un « prolétariat de substitution », la défense de l’immigré remplaçant le soutien aux ouvriers. Même si le mouvement a été le prélude d’un communautarisme qui ne disait pas encore son nom, il avait un côté éminemment sympathique qui a marqué les esprits. Les rassemblements avec Coluche et consorts donnaient l’image d’un peuple qui se souciait de son prochain. Malek Boutih (qui a présidé le mouvement de 1999 à 2003) est à cet égard l’incarnation parfaite du républicain intransigeant qui dérange parfois, agace sûrement, mais demeure un interlocuteur courtois et d’une rare intelligence. Loin, très loin, des militants « indigénistes » d’aujourd’hui qui séparent plus qu’ils ne rassemblent.
« Enfant-roi, narcissique et avide de reconnaissance, il ne recule devant rien pour faire parler de lui et refuse toute forme d’autorité. »
Il en est de même pour les végans. Le sympathique végétarien invité à témoigner sur les plateaux a laissé place à une caricature hystérique et violente, rendant tout débat impossible. L’écolo « baba-cool » des années 80 n’est plus qu’un souvenir attendrissant. Le militant moderne rêve plus souvent de commerces saccagés que de chèvres dans le Larzac, parce qu’il est – même s’il s’en défend – le produit de sa génération. Enfant-roi, narcissique et avide de reconnaissance, il ne recule devant rien pour faire parler de lui et refuse toute forme d’autorité.
Le dévoiement des justes causes
La lutte contre le racisme sonne comme une évidence, surtout pour la génération dite des « Millennials », à condition de se conformer à la définition exacte : établir une hiérarchie entre les différents individus selon leur race. Le racisme est hélas souvent confondu avec la xénophobie (injustifiable elle aussi), mais les confondre ajoute à la mécompréhension du phénomène. Hélas, les « Indigénistes » et autres activistes 2.0 détruisent cette juste cause, en considérant que « l’homme blanc » est suprématiste par nature, qu’il est, structurellement, dominateur et oppresseur. L’antiracisme des années 80, plutôt pacifique et politique, s’est transformé en moyen de réintroduire la guerre raciale dans le débat public. Un excellent moyen de faire parler de soi, certes, mais aussi une logique séparatrice désastreuse dans un pays en proie à la division et au ressentiment. La pensée antiraciste est dévoyée. Elle ne vise plus à dénoncer le racisme ou la xénophobie, mais à jeter la « blanchité » en pâture. Une tragédie.
« Comme les « Indigénistes » renvoient leurs contradicteurs au rang des « Oppresseurs », les végans accusent systématiquement autrui d’être dans le camp des « criminels », justifiant ainsi leurs exactions. »
Les végans constituent un autre exemple, peut-être encore plus caricatural par sa violence. Le bien-être animal est une question fondamentale. Il est même possible de réfléchir sur le spécisme et l’antispécisme, mais lorsque ces « justiciers » établissent une comparaison avec les horreurs de la Shoah, le pas de trop est commis. Ils deviennent tout bonnement insupportables. Comme leurs agressions, leurs hurlements en plateau ou leurs arguments fallacieux. A l’instar des « Indigénistes » qui renvoient leurs contradicteurs au rang des « Oppresseurs », les végans accusent systématiquement autrui d’être dans le camp des « criminels », justifiant ainsi leurs exactions.
La sérénité semble improbable dans un futur proche. L’activisme, ne reposant que sur le bruit et la fureur, ne saurait ranger les armes dans les mois à venir. Insistons une nouvelle fois, quitte à jeter une poignée de sel sur la plaie : il s’agit d’un moyen unique de faire sa promotion, de connaître une forme de gloire médiatique – voire financière – et de prospérer. Lorsque Noam Chomsky affirmait : « La propagande est aux démocraties ce que la violence est aux dictatures », il ne se doutait pas que les termes allaient s’inverser. Bienvenue à l’heure de la dictature violente de la propagande.