Le Venezuela traverse une très mauvaise passe. Le pays se trouve dans un marasme économique dû à la chute des cours du pétrole. S’ajoute à cela la crise institutionnelle entre un Maduro accroché au pouvoir comme une moule à son rocher et une opposition démocratique victorieuse qui veut l’évincer.
Maduro n’a jamais soulevé les foules, contrairement à Chavez. Tout en pérennisant le caractère autoritaire de son prédécesseur, il a enchaîné les échecs. Avec la victoire de l’opposition aux législatives de décembre dernier, on aurait pu croire que le Venezuela s’apprêtait à tourner rapidement la page du Chavisme. Cependant, le pays est dans une impasse institutionnelle depuis des mois et dans une crise économique depuis des années. Maduro assurait l’intérim du pays depuis la mort de Chavez le 5 mars 2013. Elu le 14 avril de la même année avec 50,6% des voix, il a toujours voulu marcher dans les pas de ce dernier, mais les difficultés économiques ont vite eu raison de lui. En 2014, le Venezuela enregistre ainsi une inflation de 68,5% et les revenus issus du pétrole ont baissé de 70%, passant de 42 milliards de dollars en 2013, à 12,5 en 2015.
Venezuela : Le musellement des libertés
On peut citer dernièrement la condamnation à quatre ans de prison de David Natera Febres, directeur du journal vénézuélien Correo del Caroni, pour avoir dévoilé un scandale de corruption.
S’ajoutent à cela des opinions dissidentes verrouillées, des manifestations réprimées et libertés publiques bâillonnées comme dans tout bon régime autoritaire qui se respecte. Sans faire une liste exhaustive qui serait (très) longue, on peut citer dernièrement la condamnation à quatre ans de prison de David Natera Febres, directeur du journal vénézuélien Correo del Caroni, pour avoir dévoilé un scandale de corruption. Le journal avait déjà vu son nombre de pages diminué à cause des restrictions de papier. Ce dernier est en effet distribué au compte-goutte par le gouvernement qui s’assure ainsi une mainmise sur les médias dérangeants pour le régime. Reporters sans frontières avaient déjà pointé du doigt cette absence de liberté réelle de la presse en 2014, en mettant l’accent sur les violences envers les journalistes. La même année, l’armée vénézuélienne avait tiré sur trois journalistes lors d’une manifestation étudiante à Caracas. Le droit de propriété a également mauvaise presse dans le pays qui se classe 125 sur 129 dans la liste de l’Indice international des droits de propriété de 2016. Les expropriations forcées sont monnaie courante depuis que Chavez a décidé de nationaliser de nombreuses entreprises dans le but de rendre le pays autosuffisant.
Le refus de quitter le pouvoir
Cette politique autoritaire a entraîné un échec cuisant pour Maduro en décembre dernier: le Parti Socialiste Unifié du Venezuela n’a obtenu que 46 voix sur 167 sièges du Parlement, contre 99 pour l’opposition. Une déroute électorale qui semblait avoir été acceptée à l’époque par le président : « Nous sommes venus avec notre morale, avec notre éthique, pour reconnaître ces résultats adverses, pour les accepter et pour dire à notre Venezuela que la Constitution et la démocratie ont triomphé. »Mais entre les paroles et les actes existe un fossé car Maduro concentre le pouvoir depuis 1999. Son premier caprice à l’annonce de son échec aux législatives a été de vouloir former un Parlement parallèle. En effet, quel meilleur moyen pour contourner un résultat démocratique que de le nier et de créer des institutions illégales ? Cet ersatz de Parlement n’a rien de légitime puisqu’il n’a pas été soumis au suffrage universel. En revanche, le symbole est fort : le pouvoir entend, par des voies détournées, mépriser l’opinion des Vénézuéliens. Quant à l’armée, elle fait patte blanche avec le Gouvernement.
Dans ses rangs règnent la corruption de masse et divers trafics. Les militaires craignent de voir disparaître leurs petites affaires souterraines avec la victoire de l’opposition. Mais l’heure n’est plus à la négociation.
Une opposition déterminée
Le Venezuela est donc parti sur la voie de la bataille institutionnelle entre plusieurs acteurs et de la chute économique dont les victimes seront encore et toujours les Vénézuéliens.
Cette fois-ci, l’opposition a décidé d’aller plus loin. Elle souhaite utiliser le référendum pour éjecter Maduro. « Le changement arrive et personne ne pourra lui barrer la route », a déclaré à la presse Jesús Torrealba, chef de file de la coalition d’opposition Table de l’unité démocratique. Elle veut aussi tenter de modifier la Constitution pour faire passer la durée du mandat de six à quatre ans. Pour cela, il faut le vote de la majorité des députés selon l’article 342 de la constitution de 1999. Le Venezuela est donc parti sur la voie de la bataille institutionnelle entre plusieurs acteurs et de la chute économique dont les victimes seront encore et toujours les Vénézuéliens. Nul doute que ce pays est à un croisement essentiel de son histoire. Peut-être est-ce là le début d’une nouvelle ère dépouillée de ses habits autoritaires.
Quant à Maduro, sa dernière action pour tenter d’endiguer la crise économique est d’avoir augmenté, en février, le prix de l’essence – secteur qu’il avait nationalisé – de 6000 % (de 0,01 à 0,6 dollars), histoire d’aggraver son cas et la colère du peuple. Mais quand on sait que la pauvreté touche près de la moitié de la population, ce choix apparaît comme une énième lubie suicidaire.