Paru chez Desclée de Brouwer, l’essai de Guillaume Bernard La Guerre à droite aura bien lieu analyse le bouleversement idéologique qui traverse la droite. Un livre précieux pour saisir les différents enjeux politiques de la présidentielle à venir.
Comme l’a montré Patrick Buisson dans La Cause du peuple, il y a un incontestable regain des idées conservatrices en France. Cela s’explique d’un point de vue sociologique, géographique voire philosophique. Pour en finir avec un hédonisme dénué de transcendance tout entier voué au consumérisme et au sans-frontiérisme, Buisson a démontré comment les classes populaires étaient touchées par ce désir d’ordre, de frontières et ce fameux « retour aux valeurs ». Cette fameuse « ligne buissonnière » a d’ailleurs permis au candidat Sarkozy d’éviter le naufrage en 2012.
« Les élites passent, mais les traditions ne passeront pas ».
L’élection de François Fillon, si, à en croire le jugement de Guaino, ne doit rien au suffrage populaire, mérite pourtant une réflexion plus approfondie, tant sa ligne « libérale-conservatrice » répond à une mutation profonde de l’électorat de droite. Les humiliations de Nicolas Sarkozy et surtout celle d’Alain Juppé sont révélatrices d’un mouvement de fond que l’essai de Guillaume Bernard nous permet d’appréhender.
Cette droite qui redevient la gauche
Sur différents sujets comme la laïcité, le communautarisme, les frontières et même le rite catholique, le jugement de l’auteur est sans appel : « Les élites passent, mais les traditions ne passeront pas » (p. 119). Dans un univers globalisé au sein duquel les notions de bien commun et d’identité sont mises à mal, le retour à une certaine forme de conservatisme constitue une réponse adressée à des gouvernants obsédés par le changement, le nivellement par le bas et l’anomie moderniste.
« Les nouveaux courants sont venus par la gauche de l’échiquier politique et ont repoussé sur la droite ceux qui étaient nés antérieurement ».
Mais ce que Guillaume Bernard analyse, c’est ce « mouvement dextrogyre » qui n’en finit pas de basculer une partie de la droite vers la gauche. S’inspirant d’Albert Thibaudet qui en 1932 évoquait le « mouvement sinistrogyre » dans Les Idées politiques de la France, l’essayiste démontre que « Les nouveaux courants sont venus par la gauche de l’échiquier politique et ont repoussé sur la droite ceux qui étaient nés antérieurement. Ainsi, le libéralisme est-il passé de gauche (au XVIIIe siècle) à droite (au XXe siècle) après avoir incarné le centre (au XIXe siècle) » (p. 83).
En d’autres termes, le renouveau idéologique contraint une partie de ces courants idéologiques classés à droite (en dépit de leur origine de gauche) de revenir au bercail. Cela explique en partie la cuisante défaite d’Alain Juppé et, certainement, l’avènement d’un mouvement de centre gauche allant de Valls au maire de Bordeaux, en passant par Macron et NKM. Il est d’ailleurs ironique de constater que ce « mouvement dextrogyre » semble épargner Marine Le Pen, qui ne cesse de vouloir donner des gages à la gauche (socialiste et sociale). Mai 2017 sera donc le révélateur de ces grands mouvements tectoniques.
Guillaume Bernard, La Guerre à droite aura bien lieu, Le mouvement dextrogyre, aux éditions Desclée de Brouwer, 394 pages.