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L’Histoire de France est d’autant plus riche qu’elle est d’origine complexe : par nos racines gréco-latines, par l’influence des invasions des Barbares, de par le christianisme. Sans vouloir résumer (et ce serait faire bien peu de cas à la France) cette Histoire, il semble pourtant inévitable de constater le déclin de son enseignement.

L’on voit déjà pointer du bout de leur nez les défenseurs de la liberté et autres révolutionnaires en mocassins, nous contredisant ainsi sur le bien-fondé de l’enseignement de l’Histoire à l’école. On préfère enseigner la mémoire ; or gardons ainsi à l’esprit la formule d’Albert Camus : « Il est bon qu’une nation soit assez forte de tradition et d’honneur pour trouver le courage de dénoncer ses propres erreurs. Mais elle ne doit pas oublier les raisons qu’elle peut avoir encore de s’estimer elle-même. Il est dangereux en tout cas de lui demander de s’avouer seule coupable et de la vouer à une pénitence perpétuelle. […] C’est en fonction de l’avenir qu’il faut poser les problèmes, sans remâcher interminablement les fautes du passé. »

Incapable de réconcilier les peuples et les sociétés, le libéralisme transnational voit ainsi son salut dans la destruction progressive de la structure et de ce qui fait barrière.

Ainsi, pour faire oublier aux peuples leur existence, on supprimera leur histoire. Si la loi ne peut abroger l’existence même du peuple, elle peut en revanche pratiquer la suppression progressive de son héritage, et par là-même, la suppression de son inconscient collectif. Milan Hübl, écrivain tchèque mort en 1989 l’avait ainsi pressenti. L’auteur a connu le nazisme et le communisme, et ce en exercices pratiques. Le « siècle des excès » (Touchard), doublé du « siècle des idéologies » (R. Aron) voit ainsi s’échapper, en 1991, l’idéologie première, celle qui paradoxalement est à la fois cause et conséquences des deux autres : le libéralisme devenu transnational. Incapable de réconcilier les peuples et les sociétés, le libéralisme transnational voit ainsi son salut dans la destruction progressive de la structure et de ce qui fait barrière. Il ne s’agit pas seulement de casser les murs et les douanes, mais également de pénétrer les esprits.

La Nation pour fédérer un peuple hétérogène

Plusieurs éléments sont ainsi à prendre en considération : il y a d’abord une société hétérogène, soumise à de vives tensions internes dont les récents événements n’ont été que l’illustration. Toutefois, une réponse plausible serait de considérer le peuple non plus comme une réalité figée mais comme une réalité transcendantale : voilà que la Nation revient au galop.

« Dante, Goethe, Chateaubriand, appartiennent à toute l’Europe dans la mesure où ils étaient respectivement et éminemment Italien, Allemand et Français. »

Le refus de la Nation est à notre sens « pire qu’un crime, une faute » (Boulay de la Meurthe, 1804). Il désintègre tout ce pour quoi nous sommes là. Une fois que l’on tue ou que l’on bâillonne la patrie, on peut se permettre de tout détruire : l’héritage culturel, l’héritage visuel (nos paysages), l’oubli de la nécessité de transmettre ce que l’on nous lègue, la langue. Chacun connaît ainsi le bon mot du Général de Gaulle lorsqu’il déclarait, en 1962, que « Dante, Goethe, Chateaubriand, appartiennent à toute l’Europe dans la mesure où ils étaient respectivement et éminemment Italien, Allemand et Français. Ils n’auraient pas beaucoup servi l’Europe s’ils avaient été des apatrides et s’ils avaient pensé, écrit en quelque espéranto ou volapük intégrés… »

Devenu pour trop de gens un élément de langage ainsi qu’une dorure pour drapeaux d’associations, la Nation est pourtant ce qui fédère le peuple et l’amène à se reconnaître en une entité invisible mais pas pour autant dénuée de réalité. Au contraire : il n’y a qu’une réalité, et cela vaut pour tout parangon du supranationalisme, et elle est la Nation.

Précisons ainsi les choses : elle ne s’entend pas comme ethnie, mais comme un bloc, s’affirmant donc sans distinction des individus en fonction de leur couleur de peau, de leur religion ou de leur origine. Elle est au contraire ce qui fédère et ce qui agrège. Et ce au mépris de la revendication communautaire, qui n’existe pas s’il y a transcendance.

La République et la sélection des compétences

Tocqueville, dans Démocratie en Amérique, décrit ainsi l’égalité des conditions, selon lui, dans une société démocratique. Certes, Tocqueville est un membre de l’école historique libérale ; toutefois est-il pertinent de prendre en considération le concept : l’égalité des conditions est ainsi entendue comme une société où aucun de ses membres ne voit sa destinée conditionnée par la position sociale qu’il occupe.

Que serait ainsi Alain Juppé, fils d’agriculteur, sans une école méritocratique et prête à lui donner les moyens de ses ambitions ?

En l’occurrence, l’enseignement public se dédouanant progressivement de son rôle de transmetteur de savoir, et revêtant les oripeaux de l’éducateur, propage ce qu’il est censé combattre. L’égalité des conditions ne signifie pas l’absence de hiérarchie sociale, ou politique. Toutefois, il est bon de rappeler, qu’en France, il fut un temps où la République suait sang et eau pour que l’on ne sélectionne plus que sur la compétence et non sur l’appartenance sociale. Certes, sous la IIIème République, tout le monde n’allait pas jusqu’au bac, et ce pour des raisons socio-économiques et familiales ; que serait ainsi Alain Juppé, fils d’agriculteur, sans une école méritocratique et prête à lui donner les moyens de ses ambitions ? Malheureusement, l’esprit de cet enseignement eut droit à son effet d’hystérèse, désormais révolu.

La garderie républicaine ne cherche ainsi plus à défendre la Nation ; éduquer, qui signifie étymologiquement « extraire de » (educare en latin), est un rôle normalement dévolu aux parents, ou dans leur incapacité, à ceux désignés pour accomplir une telle tâche. Instruire, du latin instruo, signifie littéralement assembler, bâtir, munir. Par conséquent ceux qui prônent les vertus de l’éducation, qui n’est plus nationale, et qui n’éduque pas moins qu’elle n’instruit, sont des jean-foutre.

L’ère du loisir, de la jouissance et du plaisir gagnerait-elle ainsi sa bataille contre l’effort et le travail, et ce en investissant les dernières salles de la forteresse ?

Ainsi, notre monde post-moderne oublie cette dimension au profit de l’épanouissement personnel. L’individualisme, issu de la modernité et de la Réforme, aliène, au détriment même de l’individu. On ne fabriquera plus des bacheliers, mais des festivaliers, biberonnés au loisir ; et c’est sans compter la culture préexistante de la fête pour la fête.

Ce pourrissement fera ainsi des élèves, issus des classes ou catégories sociales les plus favorisées, les futures élites intellectuelles et professionnelles de la France: la République semble se parer des joyaux opaques de l’Ancien Régime.

Sonne ainsi l’entrée en gare du train de l’inégalité des conditions. De cette vision infernale, le serpent n’est pas à chercher très loin, puisque Bourdieu se mord la queue: « Ourobourdios« 

Maxime C.

Rédaction

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Rédacteur depuis Mars 2014

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