Partagez sur "Islamophobie : Courrier International, l’hémiplégie intellectuelle de la presse"
Courrier International a décidé, par les mots, de rendre la France islamophobe. Parallèlement, la polémique sur le concert de Médine au Bataclan crée le malaise. Nous tenterons ici d’apporter un faisceau d’explication à la situation actuelle, en questionnant les sources utilisées. La presse étrangère observe semble-t-il avec sidération les passions que déchaîne la religion musulmane. Quelle presse étrangère ? Pas n’importe laquelle évidemment.
La sélection de la presse étrangère se met ici au service d’une mission : nous faire accepter le modèle anglo-saxon sur la gestion des particularismes ethniques et religieux. A terme, une balkanisation à l’anglaise nous tend les bras. De plus, il semblerait, au vu des récents développements c’est moins la religion elle-même que les individus la pratiquant qui dérangent. Mais pour Courrier International, cette subtilité n’est pas vraiment comprise.
« La plupart de nos intellectuels français, car il y a des exceptions, sont incapables de la moindre pensée structurée à ce sujet. »
Une partie des articles sont issus de pays (Canada, États-Unis) dans lesquels le concept de laïcité n’existe pas. Dans ces contrées, la liberté s’est construite dans un idéal libertaire incluant la liberté de culte, dans une ostentation revendiquée. Or l’histoire de France a montré que notre nation s’est justement construite à la fois avec et contre le culte, fût-il catholique ou protestant. La France, tout à la fois « fille aînée de l’Église » et des Lumières a su maintenir le religieux à distance tout en intégrant la laïcité au sens chrétien du terme (« Rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu », Lc 20, 20-26).
On essaie donc de nous imposer un modèle avec des arguments fallacieux, marqués par une inculture historique crasse. En face, la plupart de nos intellectuels français, car il y a des exceptions, sont incapables de la moindre pensée structurée à ce sujet.
Dans le dossier de Courrier International, nous avons par exemple deux points de vue sur la France intolérante à l’islam, qui plonge le lecteur dans une certaine perplexité.
D’un côté, un journal qatari nous présente la France comme intolérante face à l’islam, de l’autre un journal conservateur britannique enjoint la France à se montrer plus ferme face à l’islamisme. En terme de dialogue de sourds, on n’a rarement fait mieux. Comment ces éléments peuvent aider le lecteur à avoir une lecture apaisée des enjeux liés à la religion que connait notre pays ? Le but est-il de diviser ? Nous laisserons cela à l’appréciation des lecteurs.
« Ainsi, des discours ou décisions qui tendraient à objecter certains traits de la religion pour le bien commun seraient par défaut islamophobes. C’est au mieux de la mauvaise foi, au pire de la paresse intellectuelle. »
Il s’agit d’une ingérence culturelle. Bernard Kouchner aurait adoré. A travers un choix biaisé de la presse internationale, une France islamophobe et intolérante est décrite alors que près de six millions de Musulmans vivent pour la plupart normalement sur notre sol. Une meute d’associations « récupère » la frustration d’un petit nombre pour obtenir des droits illégitimes et altérer le modèle français. Ainsi, Marwan Muhammad, ancien président du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), est allé devant la CEDH en 2014 pour faire abroger la loi contre le port du voile intégral, sans succès.
Mais de fait, sa défaite est transfigurée en victoire puisque, devant ses ouailles et la population française, cette décision rend non seulement la France islamophobe, mais aussi l’Union Européenne ! La pirouette est belle et a le mérite de montrer à quel point la machine associative française est bien rodée. Ainsi, des discours ou décisions qui tendraient à objecter certains aspects de la religion pour le bien commun seraient par défaut islamophobes. C’est au mieux de la mauvaise foi, au pire de la paresse intellectuelle. Ajoutons que pour le New-York Times, le Washington Post ou le Guardian, la France est aussi islamophobe. Mais là-encore, les individus qui rédigent ces brûlots sont importants à prendre en compte.
Une volonté de modifier un modèle français de laïcité
C’est bien connu, on ne veut rien changer en France. On le voit chaque année. A une réforme, sa manifestation. Mais quand on peut changer le modèle de société français, les associations s’engouffrent dans la brèche avec un certain succès.
On veut changer le modèle français car il ne correspond pas aux velléités politiques et sociales de certains groupes de pression qui ont des relais médiatiques et politiques importants. Par ailleurs, ils construisent des exemples qui renforcent leur thèse. Partant du postulat que la France est le pays le plus islamophobe d’Europe, il faut donc trouver des exemples qui iront en ce sens. Ces polémiques sont stériles et touchent un nombre infinitésimal de personnes.
« AJ+, le nouveau média financé par le Qatar fait du Konbini et met ses bons sentiments au service d’une idéologie intolérante et sectaire. Un paradoxe qui reste très peu souligné dans les médias français. »
On observe aussi que l’idéologie devient une mode au service d’un projet de renversement culturel. En effet, on jugera islamophobe l’émission d’une timide réserve à l’égard de certains comportements. Une loi contre le port de la burqa est islamophobe alors même que ce vêtement ne se fonde sur aucune prescription coranique (il est lié à la culture afghane). Certains Français musulmans ne lisent même pas leur livre. Si l’on s’interroge sur le port du voile d’une représentante d’un syndicat étudiant, on est islamophobe. Si l’on s’interroge sur le fait qu’une jeune femme faisant son jogging en Algérie pendant le Ramadan se fait agresser, on est islamophobe. Si l’on déplore le port d’une voile d’une fillette, on est islamophobe. Maïtena Biraben en a récemment fait les frais sur Twitter. La Norvège, qui a récemment interdit le retour de ses ressortissants djihadistes, est-elle islamophobe ? La fenêtre d’Overton se referme à vitesse grand V dans la joie et la bonne humeur. Le « cool » remplace l’échange d’idées contradictoires. Ainsi AJ+, le nouveau média financé par le Qatar fait du Konbini et met ses bons sentiments au service d’une idéologie intolérante et sectaire. Un paradoxe qui reste très peu souligné dans les médias français.
On utilise les armes du progressisme et de la tolérance érigées en valeur étalon pour aider une idéologie sectaire à se développer sans résistance.
Médine face à la décence commune
Pour une majorité de journalistes français, la moindre remise en cause de certains comportements liés de près ou de loin à l’islam sera disqualifiée selon deux techniques bien connues :
- Le rapprochement avec le discours de l’extrême-droite
- Le procès en islamophobie (la récente sortie de Jean-Louis Bianco sur Charlie hebdo)
Le procès en christianophobie (mot aussi valise que l’autre) est justement beaucoup moins à la « mode » donc médiatiquement moins valorisé. Il s’agit toujours de la même volonté : vendre du papier. L’islam, au même titre que les cambriolages en été, l’immobilier à Paris ou le classements des lycées, reste un marronnier bien commode quand les ventes d’hebdomadaires sont en baisse.
Pour preuve, la dernière polémique avec le rappeur Médine. Nous avions le rock chrétien, nous avons à présent le rap musulman. Le premier parle d’amour et de don de soi, le second parle, au vu des textes de Médine, d’autres choses.
« Pour un certain nombre de Musulmans, avoir une religion semble les dispenser d’avoir une morale, une décence ordinaire. L’affaire Médine est un exemple assez intéressant de ce point de vue. »
Finalement pour beaucoup de gens, y compris une frange des Français musulmans, la religion a eu tendance à se hisser au sommet des valeurs mobilisées pour appréhender le monde. Elle remplace peu à peu la morale, la « common decency » chère à Orwell. Elle a été notamment définie d’une façon remarquable par Kevin Boucaud-Victoire dans un entretien accordé à l’Express : « Elle est la faculté instinctive de percevoir le bien et le mal ». Il ajoute qu’elle correspond à ‘un sentiment spontané de bonté qui est, à la fois, la capacité affective de ressentir dans sa chair le juste et l’injuste’. En réalité, il s’agit d’un ensemble de comportements qui se développent au contact des autres. La common decency provient de la pratique ordinaire de l’entraide, de la confiance mutuelle, des liens sociaux minimaux mais fondamentaux et de la banalité de la vie. »
Pour un certain nombre de Musulmans, avoir une religion semble les dispenser d’avoir une morale, une décence ordinaire. L’affaire Médine est un exemple assez intéressant de ce point de vue. L’artiste condamne les attentats du 13 novembre avec force tout en chantant des textes pour le moins vindicatifs à l’égard de la France, mettant en scène des signifiants religieux belliqueux liés à l’islam. Comme s’il ne comprenait pas que ce type de discours puisse peiner une partie des victimes du Bataclan. Il a par ailleurs le droit, garanti par la Constitution, de se produire dans cette salle de spectacle. Reste que ce manque d’empathie est inquiétant.
On assiste à un combat de victimes. Médine se dit victime d’une France raciste et islamophobe. Les rescapés du Bataclan se disent victimes d’un acte terroriste qui a causé la mort de 80 personnes. Chaque groupe social, ethnique, politique revendique maintenant le statut de victime. Une nouvelle mode instaurée sous le quinquennat Hollande, qui semble être là pour durer. Au grand dam de la France, sûrement condamnée à un tragique morcellement.