Partagez sur "Jean-Luc Mélenchon : le dégagisme appliqué à lui-même"
Arrivé quatrième de ce premier tour de la présidentielle 2017, Jean-Luc Mélenchon a bien failli récolter les fruits d’une campagne réussie en se qualifiant pour le deuxième tour. Mais le peuple qu’il révère tant, qu’il pare de toutes les vertus, en a décidé autrement.
Celui que l’on désigne – à raison – comme le meilleur tribun de cette campagne a surpris à l’issue des résultats du scrutin. En ne souhaitant donner aucune consigne et, surtout, en ne voulant pas reconnaître sa défaite, Mélenchon est apparu sous les traits d’un mauvais perdant caractériel, acceptant mal la règle du jeu démocratique. Ce peuple qu’il chérit tant, « qu’il use sa vie à défendre » selon ses propres termes, a choisi deux candidats qui sont aux antipodes de ses convictions : un ancien banquier et une fille Le Pen.
Le constat d’échec que nous avons dressé pour la droite conservatrice vaut tout autant pour le héraut de la France insoumise et une certaine humilité devrait être de mise dans ses rangs. S’il a incontestablement permis de grapiller quelques points, empêchant ainsi Marine Le Pen d’être en tête des résultats, cette quatrième place sonne malgré tout comme une désillusion. Le « dégagisme » qu’il appelait de ses voeux vaut ironiquement pour lui aussi et ses soutiens auraient la bonne idée d’accepter cet échec pour repartir d’un meilleur pied. Cet homme qui a certes eu le courage de quitter le PS, n’en reste pas moins un ancien ministre et un ancien sénateur qui a vécu une grande partie de sa vie de la politique. Ce message doit aussi être entendu.
« Grâce à lui, certains abstentionnistes ont décidé d’aller voter en sa faveur. Jean-Luc Mélenchon a redonné envie d’être de gauche ».
Ses discours ont été magnifiques. Comme ses interventions télévisées. Comme ses vidéos sur YouTube. Il n’a pas, comme en 2012, chanté les louanges du métissage et des régularisations massives qui ont fait fuir l’électorat populaire. La Marseillaise et les drapeaux français ont été de mise et cette réappropriation de certains concepts comme la nation et la patrie (honnis depuis des années à gauche) a incontestablement donné vie et consistance à ses envolées lyriques. Grâce à lui, certains abstentionnistes ont décidé d’aller voter en sa faveur. Jean-Luc Mélenchon a redonné envie d’être de gauche et, surtout, a permis à ses électeurs de ne plus être enfermés dans plusieurs contradictions comme l’attachement à la souveraineté populaire et le refus de sortir de l’Union européenne.
Les erreurs de Mélenchon
Les réseaux sociaux ont également été le reflet de sa montée en puissance. La rage de ses militants a été perceptible, des mois durant. Si quelques marteaux et quelques faucilles sont apparus sur certaines photos (sans que cela ne gêne grand-monde), cette nouvelle génération authentiquement socialiste est néanmoins dépouillée de ses oripeaux d’antan : souvent issue du tertiaire ou bien des grandes villes, elle est plus ou moins ouverte à la mobilisation pacifique et à la discussion. Là se situe la véritable révolution. Une minorité continue certes de traiter ses contradicteurs comme des « ennemis de classe », au mépris de la nouvelle sociologie électorale à l’oeuvre depuis une décennie, mais la France insoumise a toutes les capacités pour fédérer et recomposer une véritable force de gauche sur les ruines de feu le PS.
« Sa volonté de surtaxer les salaires au-dessus de 4 000 euros a montré, en creux, à une classe moyenne désireuse de dépasser sa condition, que le logiciel d’extrême-gauche n’était pas totalement désinstallé du disque dur Insoumis ».
Le paradoxe de la campagne de Mélenchon a été sa personnalisation. Le thuriféraire de l’Assemblée constituante a incarné à lui seul le génie de la Ve république voulue par le Général de Gaulle : un homme face au peuple, au-dessus et en dehors des partis. Mélenchon est bien plus gaulliste qu’il ne le pense, et la polarisation autour de son incroyable personnalité et de son souffle particulier révèle un attachement bien plus enraciné qu’il ne le pense du peuple à ses institutions. Ses ultimes tergiversations sur la sortie de l’euro et la campagne médiatique autour de l’Alliance bolivarienne ont suffi à semer le trouble chez certains indécis. Enfin, sa volonté de surtaxer les salaires au-dessus de 4 000 euros a montré, en creux, à une classe moyenne désireuse de dépasser sa condition, que le logiciel d’extrême-gauche n’était pas totalement désinstallé du disque dur Insoumis.
Mélenchon a donc porté un mouvement à bout de bras et a failli se qualifier pour le second tour. Par son érudition et sa rhétorique, il a ressuscité les grandes manifestations populaires auxquelles les Français sont attachés. Mais ne nous y trompons pas : chaque présidentielle voit un candidat potentiellement incontournable émerger. François Bayrou n’était-il pas l’homme fort de 2007 autour duquel tout devait se recomposer ? La chute du béarnais dans les méandres macroniens suffit à démontrer la fragilité d’un tel constat. Jean-Luc Mélenchon devra s’atteler à, davantage encore, parler à ces classes du périurbain qui souffrent de la mondialisation et de ses effets qui ne se font pas sentir dans les grandes métropoles qui ont voté pour lui (en particulier l’insécurité massive). Sans quoi, il restera un éternel hologramme.