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Marc Duran, qui vit à Sète, s’est révélé tardivement comme artiste plasticien. Ce n’est, en effet, que depuis 2012 qu’il a décidé de peindre.

Aussi, il n’est pas étonnant de constater que sa peinture libère un trop plein d’émotions comme si celles-ci avaient été trop longtemps contenues ou maintenues prisonnières.D’où l’impression aussi que ses toiles débordent de matières avec des formes envahissantes qui deviennent de véritables rhizomes et où les couleurs éclatent de toutes parts comme hantées, elles aussi, par le souvenir d’un manque.

A la limite on pourrait croire que cet artiste peint comme un fou et qu’il nous donne à voir une peinture totalement déséquilibrée ! Or,   il n’en est rien, car chacune de ses toiles est le résultat d’un savant dosage, d’un travail souvent dominé par la recherche d’équilibre et d’harmonie.

Equilibre et harmonie

En effet, sa démarche picturale semble bien réfléchie chez Marc Duran. Rien n’échappe à la vigilance de cet artiste alors qu’on pourrait   imaginer, au départ, l’inverse, lorsqu’il s’exprime lui-même sur sa façon de procéder:

« Je commence à travailler et c’est la toile qui m’embarque. C’est elle qui m’inspire… »

Il poursuit ensuite en parlant d’une « bagarre » pour arriver enfin au moment où tout « bascule ». Ce corps à corps avec la toile est bénéfique et permet, en fait, d’éviter certains excès. Certes l’artiste reste toujours l’acteur, mais il saura au final toujours privilégier l’harmonie et le lâcher-prise.

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L’enfer, le rose et le noir

C’est ainsi qu’il a su pacifier des forces, soit en les dominant, soit en les apprivoisant.

Le résultat est alors surprenant car le spectateur a la sensation de baigner en permanence dans une  mer présentant des formes et des couleurs riches et variées. Qui plus est, la métaphore musicale   s’impose également. En effet, le tout s’articule et se meut selon un rythme accordé, la couleur comme une tonalité ou un instrument et les formes ondulantes qui viennent bousculer   l’ensemble comme une mélodie ou une voix.

Cela confirme le fait que son souci premier le conduit toujours à l’équilibre et l’harmonie. Après seulement il pense à la narration.

Une abstraction ambiguë

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L’art, l’abstrait et la figure

Selon le peintre taïwanais Liu Kuo-song :

« abstraire, c’est distiller, […] rendre possible la sublimation des formes naturelles et des phénomènes dans le ch’an (la tranquillité) d’une peinture enracinée dans un esprit actif, en mouvement, rythmique. »

En fait, Marc Duran, comme beaucoup d’artistes de sa génération pratiquent une forme d’abstraction qui n’a plus rien à voir avec l’idéal de pureté du début du XX° s. (Kandinsky, Mondrian, Malévitch…voir mon article sur « l’art abstrait, ou faire une œuvre sur rien » http://lenouveaucenacle.fr/lart-abstrait-ou-faire-une-oeuvre-sur-rien ). Ce qui le motive en réalité dans l’abstraction, c’est uniquement la quête d’une forme de poésie de la peinture comme le formule le peintre taïwanais cité plus haut.

Et donc, paradoxalement, s’il y avait une vérité en peinture, ce serait plutôt dans l’impureté et non dans la pureté.

Mais plus modeste, Marc Duran parle plutôt d’une abstraction moins élaborée intellectuellement.

Elle lui permet de s’exprimer tout en restant naturelle. Car « Etre naturel c’est difficile » selon lui.

C’est donc une peinture qui reflète le vécu de l’artiste et s’inscrit tout naturellement dans l’actualité de son temps. Elle se distingue grâce à un style très coloré, inspiré de ses voyages, de ses rencontres ainsi que d’un goût prononcé pour les arts populaires.

Son primitivisme

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Les taches en pointillé du tableau dissimulent habilement les formes primitives des visages qui émergent.

A la frontière de l’abstraction et de la figuration, l’artiste joue toujours dans le registre de l’ambiguïté et l’entre deux.

On remarque aussi l’influence exercée par son ami Robert Combas. Ce retour furtif à une certaine figuration et la primauté accordée à la couleur, il les doit certainement à son ami sétois.

La nature secrète des formes

Le peintre new-yorkais Caio Fonseca affirmait que : « l’essence de la peinture réside dans la nature secrète des formes ».

Marc Duran attache lui aussi beaucoup d’importance aux formes qui prennent souvent l’apparence de courbes.

Parlant de ses courbes, il dit notamment : « C’est érotique, il y a plein de courbes, je suis fasciné par les fesses… par les courbes. Je veux amener quelque chose qui évoque… »

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Une femme, 2 jambes, 2 têtes

Effectivement en matière d’évocation, l’artiste ne cesse d’éveiller et de faire apparaître des images et des associations d’idées.

Et finalement, il réussit à enrichir en permanence son répertoire car chaque toile secrète une ambiance particulière : exubérance, fureur et lyrisme.

(crédits photos : Isabelle Temple)

 

Christian Schmitt

www.espacetrevisse.com

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Christian Schmitt

Critique d'art. Auteur de "l'univers de J.L. Trévisse, artiste peintre" (ed. Lelivredart 2008) et de trois autres ouvrages sur les vitraux réalisés par des artistes contemporains aux ed. des Paraiges: Jean Cocteau (2012), Jacques Villon (2014) et Roger Bissière (2016). A retrouver sur : http://www.espacetrevisse.com

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