Partagez sur "Séries, TV, films : L’essor du 2.0 sur les écrans"
En cette rentrée 2014, qui voit l’arrivé de Netflix, dont nous vous avions déjà parlé, les séries et autres films n’ont jamais été aussi connectés. Les sociabilités virtuelles ont pris le pas sur la bonne vieille cabine téléphonique. Observons comment les productions sont devenues accros aux réseaux sociaux.
Souvenons-nous d’abord des configurations originelles de la sitcom, Cheers puis Seinfeld où le téléphone fixe régnait en maître. On avait plaisir à voir les personnages tourner la molette d’un téléphone noir imposant, aux formes arrondies. D’ailleurs, il faut voir que de nombreux scénarios deviendraient caducs avec ces objets de téléphonie itinérants. Ces configurations étaient donc très statiques, les personnages étant « obligés » de rester dans un endroit donné assez longtemps pour répondre.
Aujourd’hui, les usages ont évolué, et les séries commencent doucement à prendre la mesure des changements dans les rapports humains, chamboulés par l’explosion de la bande passante.
La dignité retrouvée du SMS
Sous la forme de dialogues muets, on entrevoit les éléments complexes d’une péripétie.
L’intérêt du procédé réside dans le fait qu’on lui donne effectivement ses lettres de noblesse. Lorsqu’on observe Frank Underwood tapoter sur son BlackBerry, fomentant une vengeance dans l’intimité de la chambre à coucher, on ne peut que constater que la volte-face est réussie. Le texte apparait à l’écran, et nous immerge dans l’histoire d’une manière renouvelée. On pensait que le sms était un truc de jeunes écervelés, à l’orthographe aléatoire, il n’en est rien. Sous la forme de dialogues muets, on entrevoit les éléments complexes d’une péripétie.
Car au final, la production, qu’elle soit cinématographique ou télévisuelle, est toujours amenée à représenter le réel, ou en tout cas la partie la plus visible, notamment quand celui-ci révèle un progrès vers une interaction de « moindre qualité ». Reste que le sms ou le message instantané doit être à présent considéré comme un élément déterminant de nos vies, de nos décisions, notamment par les jeunes générations.
Une émotion guidée par les réseaux sociaux
Qui aurait pu croire que le cliquetis des touches, sur un Iphone 6 flambant neuf retentissant dans l’écho d’un immense loft à New York pouvait provoquer de telles émotions ?
Récemment, un article du New York Times faisait état de tout ce que pouvait provoquer les fameux trois petits points de l’Iphone qui comblaient l’attente du sms pendant que l’autre personne finissait son message. Porteur de tant d’espoirs, trop souvent déçus, il produisait chez certains un état de stress, voire de dépression. Maryam Abolfazli, journaliste pour le Huffington Post aux Etats-Unis nous explique ainsi que « ces trois bulles apparaissant pendant que quelqu’un rédige un sms dans iMessage constituent très probablement la plus importante source d’espoir et de déception dans notre vie quotidienne ».
Qui aurait pu croire que le cliquetis des touches, sur un Iphone 6 flambant neuf retentissant dans l’écho d’un immense loft à New York pouvait provoquer de telles émotions ?
L’exemple de Gossip Girl ou de Pretty Little Liars sont ainsi emblématiques d’une tendance qui veut que toutes les activités humaines soient documentées, même les plus futiles. Au delà de la superficialité enthousiaste, la série se pose comme une réflexion sur l’impact de l’hyperconnectivité sur les adolescents. Diffusée sur une chaîne du câble américain, la série a très bien marché car l’identification est immédiate, quasi instantanée. Cette production est devenue un phénomène de société, et offre une vision, parfois un peu exagérée, d’une jeunesse incapable de se passer de ces objets. On assiste à un copier-coller de la réalité virtualisée des adolescents et jeunes adultes au sein de ces théâtres urbains, dans une sorte d’influence mutuelle, où réalité et fiction ne font qu’un.
Dans un registre différent, le film Chef, inédit en France, écrit et réalisé par Jon Favreau, nous raconte l’histoire d’un cuisinier, qui pour regagner le respect de ses pairs et de ses clients, se lance dans la cuisine nomade, sous la forme d’un food truck. Il est en cela aidé par son fils, qui tweetera leurs aventures sur les routes du pays de l’Oncle Sam. L’intrigue tourne principalement autour de la capacité du chef à se rendre visible sur Twitter pour réussir son pari.
La nécessité de se restreindre pour mieux jouir
Depuis quelques années, on peut aussi tweeter pendant la diffusion d’une série. Les hashtags divers et variés nous sont proposés en livetweet sur un écran de télévision pour nous renvoyer sur un autre, tablette, PC, smartphone. C’est la valse des écrans. Concrètement, pendant qu’on regarde une série, nous sommes amenés à commenter son déroulement, sans pouvoir véritablement apprécier son contenu. La concomitance du visionnage et du commentaire ne permet donc pas de jouir pleinement de la signification de l’image.
Le paradoxe étant qu’il semble de plus en plus difficile d’intéresser le spectateur à regarder un seul écran, de se concentrer sur une activité unique. Car celui-ci doit faire plusieurs choses à la fois. Cette absence de focale rend tiède toute activité. Tout ne semble qu’à moitié vécu puisqu’on voudrait vivre plusieurs activités dans un temps qui lui, n’augmente pas. C’est le grand dilemme de notre siècle, et au lieu de choisir, on tente de tout faire, mais à moitié.
C’est le grand dilemme de notre siècle, et au lieu de choisir, on tente de tout faire, mais à moitié.
