Partagez sur "Tanguy Pastureau, le funambule du rire politique"
La saison de Zemmour & Naulleau touchant à sa fin, rendons hommage à l’homme qui fait rire la France qui se couche tard. Au détour d’une joute verbale entre les deux Eric et le politique du mois, au moment où tout espoir de consensus semble perdu, apparaît alors un homme, tel Moïse ouvrant les mers, pour tout équilibrer.
Son arme de prédilection : l’humour politique. Trait particulier : il ne se moque jamais, se situant plutôt dans la galéjade. Gentleman, il reste simple et satiné. Il pénètre rapidement et fait rire intensément, une bouffée d’air frais qui n’est pas de trop en ces temps estivaux.
Chaque semaine dans Zemmour & Naulleau, le méchant et le gentil tentent d’analyser l’air du temps, qu’il soit politique, social ou plus rarement économique. Avec le concours d’Anaïs Bouton, domptant la fougue de ces hommes de caractère.
Tanguy, en Keanu Reeves du PAF, ne possède que deux expressions sur le visage, mais ce n’est pas le plus important. Il a choisi son camp, celui d’en rire. Ni droite, ni gauche. Tout le monde en prend pour son grade.
La performance reste de ce point de vue proprement, extraordinaire, tant il est vrai que, depuis une dizaine d’années, l’humour français ne sait pas faire drôle sans agressivité, sans s’attaquer frontalement à l’homme ou la femme politique. En ce qui concerne l’agréable, chacun a son jugement, qu’il fonde sur un sentiment personnel et privé, en vertu duquel il dit que quelqu’un lui plaît. Toutefois, on trouve qu’il peut avoir, parfois, une unanimité relative, mais présente, entre les hommes sur l’appréciation de celui-ci. Avec Pastureau, la satisfaction humoristique est ici assez générale et semble dépasser les clivages divers.
Rire de la politique, non du politique
Tanguy se révèle être une sorte de Macron du rire, tout le monde veut rire avec lui. Cependant, ce dernier repart comme il était arrivé, sans piper mot.
Il s’attaque en effet à la mascarade, à ce carnaval tragiquement drôle qu’est LA politique.
Déclenchant l’hilarité chez tous, les Eric s’esclaffent, même si Naulleau a souvent tendance à lui dire, par ses mimiques, que vraiment « il va un peu loin ». Est-ce à dire que les gens de droite riraient plus volontiers que leurs voisins de gauche ? Peu importe, un Menucci rira autant qu’un Lemaire. Finalement, il leur reste encore un peu d’auto-dérision, pourvu que le jeune homme les considère avec bienveillance.
Tanguy se révèle être une sorte de Macron du rire. Tout le monde veut s’amuser avec lui. Cependant, ce dernier repart comme il était arrivé, sans piper mot. A la ville comme à la campagne, il sait se faire discret. En dehors de ces espaces d’expression, on ne le voit guère répandre son égo dans les médias. Ce dernier n’utilise pas son statut de superstar du rire pour prescrire des pensées, dire le bien ou dénoncer les méchants. On l’a croisé au Léon de la porte Maillot, avec sa chemise en jean, mangeant ses moules frites, seul, se laissant aller à quelques selfie avec des fans, le cœur léger, la mine réjouie. Car c’est au Palais des congrès que ce magicien des mots se produit.
Le chant des oiseaux est porteur d’allégresse et de joie de vivre. Tanguy doit s’analyser comme un phénomène rare. Car, et ce à contre-courant des faiseurs de vannes, il survole son temps, chantant son époque étrange. La bizarrerie de notre ère politique est immense. Ainsi, par rapport à ce qu’était la vision de la politique vingt ans auparavant, le saut est gigantesque. Un Homme de 2002 subitement transporté en 2017 serait médusé devant les trésors de bêtise développés par nos politiques.
L’humour non-militant
A l’heure de la politisation à outrance de l’humour, il a choisi de prendre de la hauteur, ce qui n’est pas chose facile à l’heure du tout-venant, où chaque humoriste en perte de vitesse peut se déclarer militant.
Tanguy semble être un des seuls à capturer l’absurdité de notre temps, extirpant le ridicule avec la dextérité d’un Leo Messi dans la surface de réparation. On doit se rappeler que si cette performance se répète, elle n’en reste pas moins le fruit d’un travail sérieux et constant. Il se repose tout entier sur l’image. Cette image du politique en fin de course, cette race en voie d’extinction. Constatant l’obsolescence d’une offre politique dépassée, Pastureau ne cesse pas d’en rire.
Si les Cambadélis et autres Juppé sont les dinosaures, Macron restera le météorite qui les a tous enterrés, le soir du 7 mai. Tanguy l’a bien compris. Il ne cesse de célébrer joyeusement ce « Président Jupitérien », ce surhomme, cet Übermensch, à la poigne d’acier, ce Lee Major de la grande époque, l’homme qui valait 60 millions de Français et qui a su faire plier Trump lui-même, méchant tout droit sorti d’un James Bond.
A l’heure de la politisation à outrance de l’humour, il a donc choisi de prendre de la hauteur, ce qui n’est pas chose facile à l’heure du tout-venant, où chaque humoriste en perte de vitesse peut se déclarer militant, relançant par la même une carrière tombée dans les limbes du divertissement. Il reste un phare de lumière au milieu de ces sophismes humoristiques.
L’une des caractéristiques essentielles de l’humour est la prise de recul, ce que beaucoup de nos troubadours médiatiques ont trop souvent tendance à oublier.
Bonnes vacances Tanguy ! Et reviens-nous en forme à la rentrée.