Christophe Dickès publie Saint Pierre, le mystère et l’évidence aux éditions Perrin. Une biographie magistrale à propos du « premier pape » de l’histoire, où s’entremêlent l’histoire, l’archéologie, la théologie et la littérature.
Saint Pierre est, après Jésus, la figure du Nouveau Testament la plus représentée dans l’histoire de l’art chrétien. Pourtant, la meilleure illustration du premier chef de l’Eglise vient peut-être de Pier Paolo Pasolini, cinéaste athée et communiste. Dans son Evangile selon saint Matthieu, il montre dans un premier temps le saisissement du simple pêcheur du lac de Tibériade puis son regard plein de confiance au moment de répondre favorablement à l’appel de Jésus. Partir à la rencontre de Pierre, c’est s’interroger tout à la fois sur la grâce, le mystère de la foi, les tourments de l’âme humaine et se heurter, aussi, à une part d’inconnu.
Après Le Dictionnaire du Vatican (éditions Bouquins), Ces 12 papes qui ont bouleversé le monde (éditions Tallandier) et Le Vatican, Vérités et légendes (éditions Perrin), Christophe Dickès relève le défi et se concentre cette fois sur la figure de Pierre, pêcheur, puis apôtre et enfin premier « pape » de l’histoire de l’Eglise, en focalisant tout d’abord sur son milieu d’origine et son époque agitée : « La réputation et le succès de Jean-Baptiste puis ceux de Jésus illustrent l’atmosphère de ‘crise’ qui régnait dans la Palestine du Ier siècle : crise du magistère et des autorités religieuses juives, malaise social dû à la recherche de la pureté, tensions latentes entre élite et peuple, morcellement et antagonisme au sein de la société juive … ».
Il s’agit alors pour l’historien de reconstituer l’univers de Simon-Pierre, de son métier de pêcheur aux différents courants de pensées qui irriguaient le judaïsme de l’époque.
Saint Pierre, Rome et l’univers
Christophe Dickès assume la part d’énigmes qu’il est impossible de résoudre concernant Pierre. S’il est abondamment cité dans les Ecritures, il existe une lacune au niveau des sources qui laisse le champ libre aux hypothèses mais pas aux vérités définitives. L’auteur l’assume et, à partir d’un travail de recherches considérable, permet de lever le voile concernant le mystère qui entoure la figure de l’apôtre. Mystère, aussi, qui entoure sa destinée puisqu’il est choisi par Jésus comme la pierre angulaire de l’Eglise alors qu’il l’a renié à trois reprises.
Comme l’indique le titre de l’ouvrage, le mystère se nimbe aussi d’évidence, car la mission de Pierre est décisive : « Le lecteur des Evangiles sait qu’en dépit des errements de Pierre, les promesses de Jésus faites à Césarée de Philippe ou au Cénacle seront, elles, bien tenues. Mais il voit aussi cette lenteur dans la conversion, ce cheminement décisif alors que Pierre va bientôt découvrir le tombeau vide, puis témoigner devant les ‘hommes d’Israël' ». Cé témoignage, Pierre ira le porter jusqu’à Rome, où il connaîtra aussi le supplice de la croix tout en fondant le Royaume terrestre qu’il était appelé à réaliser : l’Eglise catholique, qui devait nécessairement s’implanter à Rome pour se disséminer dans le monde entier : « L’Empire, et notamment la fameuse pax romana avait en quelque sorte préparé la venue du christianisme ».
Le passage le plus marquant du livre est peut-être celui concernant l’héritage du « premier pape ». Il existe un « Saint Pierre » après « Saint Pierre » : l’héritage pétrinien sur le plan religieux ainsi que la primauté romaine pour la gouvernance universelle de l’Eglise. Christophe Dickès signe donc une biographie de haut vol, dans laquelle le talent d’écriture se conjugue à la richesse des informations. Un ouvrage monumental.
