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L’union nationale n’aura duré qu’une semaine. A l’issue de ces événements tragiques, notre classe politique appelle à des solutions un peu plus sévères. On évoque le rétablissement du service militaire, la mise sous tutelle des quartiers sensibles ou un PATRIOT Act à la Française. Notre Premier Ministre a eu des mots très durs sur la situation des quartiers sensibles, parlant de ghetto, d’apartheid, de ségrégation. Bref, une surenchère des mots, toujours si prévisible, fragilise déjà cette union, mais prouve que la fameuse « liberté d’expression » est toujours bien vivace dans notre beau pays.

On voit nos responsables politiques émettre des propositions radicales, en obtenant l’assentiment de l’opinion publique. Les gens sont en accord avec des solutions draconiennes. Ainsi, Malek Boutih et Marine Le Pen, aux deux extrémités du spectre politique, proposent des mesures fortes. Rappelons aussi que Najat Vallaud-Belkacem souhaite que les enfants réapprennent l’hymne national à l’école. Les cartes sont brouillées, alors que quelques mois plus tôt, certains à gauche dénonçaient le caractère violent et outrancier de ce chant patriotique.

Malek Boutih : le mea culpa du milieu associatif

Lorsque Malek Boutih nous dit que « Le sectarisme est notre pire ennemi », on ne sait plus s’il parle des djihadistes ou de sa famille politique.

Les déclarations de Boutih ont semble-t-il, rencontré un écho positif dans la population française. Un « langage de vérité » diront certains, qui a le mérite de mettre les pieds dans le plat. Sur Europe 1, l’intervention de ce dernier était proprement extraordinaire, si on considère l’absence totale de remise en question de notre personnel politique comme justement, ordinaire. Le fait qu’Amédy Coulibaly soit originaire de Grigny, situé dans sa circonscription, n’est sans doute pas étranger à cette prise de conscience.

Il s’est repenti. On ne peut s’empêcher de se demander si toutes ces associations n’ont pas contribué à créer elles-mêmes ce désastre en privilégiant un certain communautarisme à l’intégration. Le racisme reste minoritaire en France, et c’est Harlem Désir (sic) qui le dit lors de la création de SOS Racisme en 1984 « C’est une minorité encore, mais c’est trop grave pour qu’on le laisse passer. » Alors on se demande pourquoi, alors que nombre d’Africains Américains venaient se réfugier en France pour fuir la ségrégation – réelle – outre Atlantique, pourquoi une telle funeste initiative ? Pourquoi a-t-on tout mis la crise débutée à la fin des années 1970 sur le dos du racisme et des discriminations en France ? Nous ne disons pas ici que tout cela est la faute de ce climat d’excuse, qu’il n’y pas d’actes ou de remarques racistes à l’endroit de certains individus, mais on doit s’interroger, pour avancer sur des solutions crédibles, et qui fonctionnent véritablement. Arrêtons les incantations.

Le Parti Socialiste ne peut plus se permettre de diluer les problèmes, il faut à présent y faire face. Et lorsque Malek Boutih nous explique que « Le sectarisme est notre pire ennemi », on ne sait plus s’il parle des djihadistes ou de sa famille politique.

De l’union nationale à la bagarre générale

On le sait, depuis longtemps Malik Boutih appelle à la réhabilitation des valeurs républicaines contre tous les intégrismes, à « restaurer un ordre politique et social strict » sans se rendre compte qu’il a peut-être participé à leur remise en cause par le passé. Et puis, la diversité, tout le monde la chante mais personne ne la veut vraiment. Les stratégies d’évitement d’une partie de la classe moyenne aisée avec pour corollaire les institutions scolaires soigneusement choisies, pour se protéger de situations d’apprentissage difficile.

Dans cet univers associatif bariolé, on a vu récemment des joutes verbales véhémentes sur les réseaux sociaux, balayant d’un revers cette fragile union nationale. Mais, chose nouvelle, ce sont les intellectuels ayant pignon sur rue qui sont maintenant pris pour cible. Nous vous en avions déjà parlé en 2013.

Diallo vs Bouvet, une affiche de combat de boxe ? Non, une simple querelle comme il y en a des dizaines de milliers sur Twitter qui a eu lieu la semaine dernière. Laurent Bouvet, intellectuel plutôt à gauche, pour n’avoir pas effacé un commentaire raciste sur son mur public Facebook, tentant d’apaiser l’inconscient qui l’avait rédigé, est à présent lui aussi un raciste patenté pour la chef de file des Indivisibles. Car pour elle, il « cautionne », donc « approuve ». « Vous êtes raciste » : la formule n’est jamais écrite, mais l’insinuation est là.

D’ailleurs, je prends sans doute le risque de porter cette étiquette, et par extension de faire passer le Nouveau Cénacle pour un organe de presse raciste, sexiste et xénophobe, en écrivant ces lignes. En effet, on est toujours à la recherche d’un commentaire négatif à son sujet sur le Web pour ensuite le publiciser, s’en servir pour faire vivre la cause. Plus la personne visée est « connue », plus l’amplitude sera importante.

On s’en prend donc à des gens vus comme « modérés ». Ceux-ci n’étaient que marginalement concernés. Auparavant, les personnes publiques tenant des positions « extrémistes » – dans le sens du « vous êtes avec moi ou contre moi » – se querellaient entre elles, tout allait bien. Les Zemmour répondaient aux Diallo, les Dieudo aux Tesson, et les Mélenchon aux Le Pen. Ce n’est plus le cas. Pour certains, le conflit est devenu une commodité, avec une valeur d’usage très importante.

Cette hostilité permanente qui empêche les débats

Après l’union nationale, on remet les compteurs à zéro, et les divisions recommencent, ces divisions théâtralisées, dont l’épisode Bouvet/Diallo n’est qu’une minuscule partie.

Lorsqu’on a la possibilité d’être un leader d’opinion et d’avoir un accès quotidien aux médias, on se doit d’être responsable. A cet égard, le débat qui a opposé Zemmour à Duhamel dans l’émission Réplique, qui revenaient sur le drame, est un modèle du genre. Mais il vaut mieux se maintenir dans une hostilité, une aversion mutuelle, c’est sans doute plus vendeur.

Après l’union nationale, on remet les compteurs à zéro, et les divisions recommencent, ces divisions théâtralisées, dont l’épisode Bouvet/Diallo n’est qu’une minuscule partie. Faut que ça tweete, faut que ça like. Et c’est encore nous, car le Nouveau Cénacle n’est qu’un bien modeste participant dans le débat démocratique, qui seront les premières victimes de cette mascarade tragique pour notre pays.

A ce sujet, on a beaucoup glosé sur Marine Le Pen et sa tribune dans le New York Times. Les commentaires vont bon train dans la presse, et dans la rue, où les gens pensent que la presse américaine, parce-qu’elle fait parler le diable en personne, est compatissante. Reste que, si les partis politiques conventionnels ne prennent pas en main les problématiques posées par le FN, nous irons vers des élections 2017, nous rappelant un certain mois d’avril 2002, avec une magnitude sans commune mesure avec l’arrivée au second tour du patriarche breton.

L’épisode Charlie Hebdo met le doigt là où ça fait mal. La pensée politique française dans son ensemble a été piégée par le syndrome victimaire : les victimes n’ont jamais tort, les bourreaux sont les victimes, etc. Dans une escalade funeste, les partis en sont venus, dans une certaine mesure, à dédouaner tout le monde, tout le temps.

Marine Le Pen établit des constats souvent fondés, mais reste dans l’exagération politique, faisant intervenir pêle-mêle le retrait de la nationalité, l’armée ou des moyens policiers accrus dans l’équation. Croit-elle vraiment que le retrait de la nationalité française à ceux qui partent en Syrie va constituer un remède miracle contre des fondamentalistes qui n’ont plus rien à perdre ? La chef frontiste reste parfois maladroite dans ses propositions, étant apparemment obligée d’utiliser l’occurrence « national » dans tous ses discours.

Malek Boutih, quant à lui, propose aussi des solutions radicales, qui cependant, sont plus opératoires, dans un objectif de ferme intégration. Ironie de la situation actuelle, deux personnages politiques, opposés sur tout ou presque, parviennent à avoir des points de convergence. On peut y voir la conséquence de la dédiabolisation. Le parti semble se normaliser, devient « fréquentable » aux yeux de la majorité des citoyens. Ce n’est plus si surprenant. Mais cela en dit long sur la crise politique que traverse notre pays. La France est une bombe et le compte à rebours a commencé le 7 janvier 2015.

La France est une bombe, et le compte à rebours a commencé le 7 janvier 2015. On espère juste qu’un homme ou une femme providentiel sera capable de la désamorcer, dans l’apaisement et la sérénité. Pour l’instant, ça semble très mal parti.

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Rémi Loriov

Rémi Loriov est un homme libre qui s'intéresse à tout. On dit souvent à son propos : "personne ne sait ce qu'il fait, mais il le fait très bien." Il aime les histoires.

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