Partagez sur "Yann Moix dans ONPC : attention, la gauche égocentrique débarque"
Entre deux réunions du GUD (section antillaise), nous étions là à débattre du prochain larron qui prendrait la suite du grandiose Aymeric Ier, duc de Buzzville, chevalier de la Ruquierie. En effet, après le maléfique Naulleau, le corbeau Zemmour sur l’épaule, il nous fallait un homme tout aussi haut en couleur, incarnant la gauche et le verbe turbulent. Car Moix, comme ses livres, « c’est une soirée qui dure 6 jours ».
Je me rappelle l’avoir aperçu entre Sèvres-Babylone et Saint-Sulpice, faisant la bise à un Roland Dumas emmitouflé dans un pardessus sombre, à la sortie de la boutique Berluti. Tout un symbole, pour l’homme qui va jouer à gauche, flanqué de la jolie Léa Salame. Eric N., je l’avais croisé (et apostrophé) dans le métro, sur le quai, puis une autre fois, coincé dans un wagon de la ligne 4 à Saint-Michel. Quoiqu’on en dise, Naulleau aime les gens. Mais passons sur ces différences de style, et plongeons nous dans l’homme caméléon, écrivain, réalisateur, scénariste, chroniqueur, polémiste, et sa volonté d’empêcher les braves gens de sortir le samedi soir.
Le graphomane et l’échec
Dans le milieu, on l’appelait la machine à écrire, l’homme qui écrit plus vite que son ombre. Son livre Naissance avait fait beaucoup parler de lui, atteignant le millier de pages, touffu, parfois inaccessible tant les branchages de mots empêchaient de voir la lumière. Certains avaient posé trois semaines de RTT pour le terminer. En vain.
A défaut de passer les plats, on espère qu’il mettra les pieds dedans. C’est dans le contrat du bougre.
Qualité essentielle pour tout chroniqueur d’On n’est pas couché, l’homme a toujours quelque chose à dire. Tourner sept fois sa langue ? Jamais. C’est ce que les gens attendent de l’émission : des éructations sans retenue, du Lalanne qui manque de décoller un crochet à un chroniqueur, un Hondelatte qui quitte le plateau, une Muriel Robin qui quitte le plateau, une Mathilde Seignier qui quitte le plateau, un Attali qui se tire. A défaut de passer les plats, on espère qu’il mettra les pieds dedans. C’est dans le contrat du bougre.
Capable du meilleur comme du pire – Podium, puis Cinéman (sic) – Yann nous rappelle aussi que la surexcitation télévisée n’est pas synonyme de conviction. Il n’en est pas à son premier essai. Il sort d’un échec cuisant, l’Emission pour tous. Alors que le mariage, lui, a été un éblouissant succès. Ruquier avait déjà tenté de lui mettre le pied à l’étrier de la chronique acidulée « pour tous ». Finalement, l’émission n’était pour personne, déprogrammée au bout de trois mois. On prend le même et on recommence.
Yann Moix et l’égocentrisme version ONPC
On adore faire semblant de réfléchir sur le service public.
Yann s’aime, il parvient à parler de lui en parlant des autres. Mais dans ONPC, n’est-ce pas la norme depuis que Léa et Aymeric avaient pris les rênes de cette émission ? Se tournant d’abord vers eux-mêmes avant d’aller vers l’invité. Ce dernier se met au service de leur égo, au lieu d’être le sujet de leurs interrogations. L’interview est viciée. Utilisé comme une commodité, il devient l’ingrédient d’une médiocre gloire.
Mais l’homme s’est assagi, semble-t-il. Se dirigeant doucement vers le demi-siècle, il n’a plus le temps, ni l’énergie de jouer les trublions, lui l’enfant bagarreur de BHL et Sollers.
Bref, avec ce nouveau duo, la représentation d’une gauche réaliste est à présent un lointain souvenir. Gageons qu’il respecte la règle du jeu, pour des entretiens salutaires. Pour l’amour du jeu, aussi, gageons donc qu’il laisse les invités s’exprimer, cette activité étrange à laquelle les journalistes aimaient encore s’adonner à la fin du siècle dernier. Moix est dans le symbole. Il a un sens, sans être cependant en état de l’exprimer parfaitement. A ONPC s’opère, d’une manière abstraite, cet échafaudage d’existences particulières, ne parvenant pas à forger une appétence commune. Ainsi, on craindra un avis plus qu’une tentative de poser les bonnes questions. L’intérêt pour de telles subjectivités demeurant seulement en elles-mêmes n’est pas stimulant, mais maintiendra une audience. On adore faire semblant de réfléchir sur le service public.
Yann sera-t-il un Aymeric Caron bis ? On peut le penser, car France 2, plus frileux qu’un migrant en mer Méditerranée un mois de décembre, n’aime pas le changement. Car le changement, c’est peut-être l’assurance de la nouveauté, de la témérité, du courage. Des mots devenus étrangers au service public télévisuel. On lui préfèrera le Paris by night en taxi. Il n’a d’ailleurs pas attendu d’être à l’antenne pour tacler notre Enora nationale, se mettant dans l’ambiance ONPC, racoleuse, mais jamais vulgaire. C’était sans compter Cyril H., qui n’a pas pu s’empêcher de lui répondre.
A défaut de penser, on préfère « clasher ». Mais on regardera, ne vous inquiétez pas. On attend juste avec impatience la venue de Benoit Poelvoorde, le Belge amoureux de la France, à moins que ce ne soit l’inverse.
Cela nous rappellera le bon vieux temps.
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