Une encyclopédie consacrée à Jésus vient de paraître aux éditions Albin Michel. Sous la direction de Joseph Doré et de Christine Pedotti, l’ouvrage fait le point sur deux millénaires de christianisme. Magistral.
Pour étudier Jésus, Jean-Christian Petitfils lui avait consacré une biographie à caractère historique, puis un Dictionnaire amoureux pour laisser place au témoignage du croyant. Dans cette encyclopédie, la parole des scientifiques est mélangée à celle des théologiens et des fidèles et le parti pris se justifie. Dans sa préface, Joseph Doré fait part des « Trois quêtes » poursuivies au fil des chapitres : en premier lieu, ne pas verser dans l’arbitraire ni dans la projection de ses propres intérêts pour l’étudier. Ensuite, il affirme que les sources néotestamentaires ne sont pas suffisantes pour délivrer un « accès direct » à Jésus. Le projet se résume donc ainsi : « On se contentera d’évoquer les domaines explorés et les disciplines mises en oeuvre ».
« Parce que tout est parti d’une rumeur. Celle d’une résurrection ».
L’histoire des religions et a fortiori celle du christianisme englobe des disciplines et des approches différentes. Archéologie, philologie, théologie, recherche scientifique (par exemple pour déterminer l’origine des différents suaires, linceuls et tuniques de Turin, Oviedo et Argenteuil) : cette encyclopédie brasse l’ensemble des savoirs pour esquisser une approche historique de Jésus.
Le chapitre « Les vecteurs de la rumeur » n’est d’ailleurs pas sans rappeler Le Royaume d’Emmanuel Carrère : en partant de la source Q (de l’allemand Quelle), texte qui aurait servi de support à Luc et Matthieu afin d’écrire leur évangile, les écrits sont confrontés, mis en lumière au regard des uns et des autres pour parvenir au meilleur témoignage possible. Parce que tout est parti d’une rumeur. Celle d’une résurrection. Qui s’est propagée dans toute la ville et a été immortalisée par des témoins.
Parole, écriture et témoignage
Des commencements de cette rumeur jusqu’à la vie publique de Jésus, ses rencontres, ses miracles jusqu’à sa passion et sa résurrection, chaque chapitre de cette encyclopédie constitue une étude précise et documentée. Une étude de Christ n’est aboutie que si le contexte est analysé : l’empire romain, la vie et les mentalités de Jérusalem au début de notre ère. Les données archéologiques présentes dans cet ouvrage éclairent tout d’un jour nouveau. L’épatante iconographie y est sans doute pour quelque chose.
« La religion catholique ne se comprend qu’à travers l’incarnation ».
Parce qu’il y a les livres sur la vie de Jésus. Pour le meilleur, comme cette encyclopédie, et pour le pire (Michel Onfray). Et il y a l’art. Nul mieux que les peintres n’ont restitué le Christ à travers la peinture de son regard où l’illustration de ses miracles. La grâce échappe sans doute aux mots et seul l’art pictural peut la saisir. De Rembrandt en passant par Chagall ou Odilon Redon, les tableaux présentés sont un régal pour l’oeil comme pour l’esprit. La sculpture de Timothy Schmalz, The Homeless Jesus (2013), témoigne elle aussi de la modernité de Jésus dans la création artistique contemporaine.
Jésus fascine tant les écrivains catholiques (Léon Bloy) que les athées (Pasolini). La religion catholique ne se comprend qu’à travers l’incarnation : Jésus est le verbe incarné. Ainsi, les différentes « Cartes blanches » laissées à des auteurs majeurs de la pensée chrétienne (Christiane Rancé, Jean Vanier, François Cheng) ou philosophique (André Comte-Sponville, Marcel Gauchet) et même musulmane (Karima Berger) montrent que la Parole est toujours vivante. Vibrante. Et inspirante.